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Le rendez-vous de la médiatrice. Les éditions spéciales de franceinfo sur les attentats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice

Les auditeurs et internautes ont écrit à Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France, à propos du traitement des attentats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice sur franceinfo. Décryptage avec Vincent Giret directeur de la chaîne.

Article rédigé par franceinfo, Emmanuelle Daviet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Un adolescent allume une bougie en hommage à Samuel Paty, enseignant assassiné à Conflans-Sainte-Honorine, le 17 octobre 2020. (BERTRAND GUAY / AFP)

Assassinat de l’enseignant Samuel Paty par un terroriste islamiste, le 16 octobre dernier, attentat à la basilique Notre-Dame de Nice, jeudi 29 octobre, qui a fait 3 victimes au sein de la communauté catholique. Très rapidement, dans les deux cas, l’antenne de franceinfo passe en édition spéciale.  

Emmanuelle Daviet, médiatrice des antennes de Radio France :
À franceinfo, sur quels critères repose le choix de basculer en édition spéciale ? Et en particulier le soir de l'assassinat de Samuel Paty ?
 

Vincent Giret : L’édition spéciale est notre matière première pour une chaîne d’information en continu, et c’est bien naturel. Simplement, à franceinfo, c’est quelque chose qui a été très répété et qui est très organisé. Nous ne cassons pas l’antenne, nous ne passons pas en édition spéciale tant que nous n’avons pas une confirmation d’éléments factuels, décisifs, fiables, prouvés.  

Il n’y a pas de conditionnel sur notre antenne, il n’y a pas de vérité à 18h21, puis une autre à 18h22 et une autre à 18h30. Non. Nous cassons l’antenne, quand nous sommes sûrs des faits dont nous allons parler. Il y a des sources identifiées, perçues comme fiables, qui sont passées par l’agence de franceinfo qui est notre organe de certification, de vérification de l’information, qui s’appuie sur les différents services ; et ça vaut pour tous types d’information. Là, dans le cas d’actualité extrêmement grave, mais aussi pour des sujets politiques, économiques, sociaux, c’est toujours le même processus ; on l’a écrit, on l’a répété, c’est très organisé.  

On poursuit avec une critique qui a été formulée par de nombreux auditeurs : l’emploi du mot "décapité"

"Pouvez-vous arrêter d’utiliser le mot "décapité", le remplacer par "assassiner" ?" Rendre hommage à la mémoire de Samuel Paty commence par faire preuve d’un minimum de délicatesse dans la façon d’interpeller l’auditeur. "Manquez-vous de vocabulaire pour évoquer un professeur atrocement assassiné ?" Est-il vraiment nécessaire, sur une chaîne d’information sérieuse de convoquer les procédés les plus racoleurs pour entretenir l’émotion ? Un peu de décence.".  

Emmanuelle Daviet : Pourquoi est-il pertinent d’employer le mot "décapité" ?  

Vincent Giret : Je comprends tout à fait nos auditeurs, c’est une réalité tellement brutale, tellement violente, qui nous a tous tellement choqués, que la première réaction est une réaction de distance, on se demande pourquoi on utilise ces mots-là. Je vais essayer quand même de les justifier, je crois que c’est important.

Bien évidemment, il ne faut pas les répéter toutes les cinq minutes, il ne faut pas que ce soit en boucle. Nous faisons très attention à ça, à cause de l’effet répétitif que cela provoque. En revanche, une personne décapitée, c’est une barbarie vraiment particulière, c’est une signature aussi, je crois que cela fait partie de la vérité factuelle, pour regarder la vérité en face. C’est un élément concret de la manière dont a été opéré cet assassinat, et nous devons le dire à nos auditeurs.

Mais encore une fois, il ne faut pas le matraquer, le répéter. Je crois qu’on prend beaucoup d’égards dans ce genre de situation, mais on se doit de dire les faits. Les faits sont que cette personne a été décapitée. On essaye encore une fois de ne pas trop en faire mais de s’accrocher à la réalité des faits.  

Emmanuelle Daviet : Donc l’emploi du mot décapité est parfaitement justifié puisque la décapitation est en soi une "signature", l’expression d’un mode opératoire codifié d’exécution religieuse. C’est donc signifiant et parfaitement déontologique.  

Autre question sur un choix éditorial, je vous lis le message d’un auditeur : "Lors de la couverture de l’attentat de Conflans, le contenu du message posté sur Twitter par le terroriste a été lu plusieurs à plusieurs reprises sur l’antenne. Pourrait-on arrêter de donner une tribune aux illuminés impliqués dans ces drames ?"   

Quel est l’intérêt journalistique de lire l’intégralité du message posté sur un réseau social par le terroriste après son passage à l’acte ?  

Encore une fois, une revendication fait partie d’un élément factuel sur une affaire comme celle-ci. Dire qu’il y a une revendication, dire qu’il y a un auteur à un moment donné qui poste lui-même un message, donner les grandes lignes de ce message, ce sont des faits, des éléments factuels qu’il est important de donner parce que précisément ça qualifie l’opération de terroriste. 

Il ne s’agit pas de faire du prosélytisme, de faire de la "propagande" pour reprendre le mot qui a été utilisé par l’un de nos auditeurs. Mais simplement, voilà, l’auteur de cet assassinat barbare a posté un message, voici ce qu’il dit : c’est une signature islamiste, ça qualifie aussi la nature de cette action terroriste, et je pense encore une fois qu’il est important, voire même essentiel, de le donner.  

Là encore, il ne faut pas le répéter en boucle toutes les trois minutes, mais à un moment donné, au moment où se déroule la chronologie des faits, quand on apprend cette chose-là, quand elle est vérifiée, certifiée, alors c’est un élément d’information décisif qu’il nous faut donner à nos auditeurs.  

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