Dans la rue où les trois jeunes filles ont été sequestrées pendant dix ans, toutes sortes depersonnages se croisent depuis lundi soir. Qui sont tous liés les uns aux autres. Il y a les voisins, les amis, la famille des suspects, lafamille d'une des victimes au moins, et les journalistes. Dans ce quartier modeste, mais pas pauvre, tout le monde travaille dur. Et s'entraide.C'est le premier choc, le premier lien qui explose. "Il a travaillé avec monpère ! Mon pére venait de prendre sa retraite du bureau des écoles, luiétait chauffeur de bus scolaire, il l'a aidé ! Il l'a aidé às'établir ! C'est dingue ", raconte Cynthia Connor, à propos de ce voisin qui a séquestré chez lui les trois femmes. "C'est terrible, inexplicable ", ajoute-t-elle.De la sidération au douteLe soir de la découverte des jeunes filles, on en était là : la sidération. Mais après, devant les mêmes barrières, est venus'installer le doute. Il vient de l'extérieur. Franck Ancelmo est un proche dufameux Charles Ramsey qui a secouru Amanda Berry. Et c'est lui qui pose laquestion qui gêne toute cette communauté : est ce qu'on a raté quelque chose ? "Comment il a apporté de lanourriture ? Il y a eu des bébés même ! Ila bien fallu un suivi médical. Est-ce qu'il a fait sortir les filles encatimini la nuit ? Et la nourriture supplémentaire ? Si vous voyezquelqu'un avec des sacs entiers de nourriture alors qu'il est censé vivre seul,moi ça éveille ma suspicion ", s'interroge le voisin."Est-ce que le job a été fait ?"La police dit qu'elle n'a jamais cessé de chercher, et qu'aucune despistes qu'elle a eu n'a mené aux fréres Castro. "C a vous oblige à vousdemander : est-ce que le job a été fait ? 10 ans !vivantes ! ", questionne Sam Samsylk. "Jene veux pas critiquer la police, mais on peut se poser la question... Comment ilsont pu passer au travers ?! ""Je suis content qu'on ait enfin trouvé les filles. Mais d'un autre côté, j'ai honte " (l'oncle du suspect principal)Ce goût amer, la communauté réunie derrière les barrières adu mal à s'en défaire. Mardi toute la journée, on a vu traînerl'oncle d'Ariel Castro : Julio. Il jure qu'il n'a pas parlé à son neveu depuis 6ans, mais il tient la buvette-épicerie qui est à 500 mètres. Il est volontiersexcessif, subitement d'ailleurs. Il répond de manière monosyllabique etpuis soudain s'emporte comme s'ilvoulait nous donner le coup de colère qu'il pense qu'on a envie d'entendre. "Il y a deux sentiments dans cethistoire : je suis content qu'on ait enfin trouvé les filles. Mais d'unautre côté, j'ai honte ", indique-t-il.D'autres souvenirs émergentDoucement, dans la journée d'hier, le quartier a changé sanarrative : on a vu la relation lisse de Castro et son voisinage se flouter, ona appris que ses enfants ne le voyaient plus depuis des années, qu'il avaitfrappé son ex-femme, qu'il était ami du pére d'une de ses propres victimes..."Ma sœur a vu une femme avec un bébé devant la fenêtre, ils frappaient !"Et puis d'autre souvenirs, parfois ahurissants, ont été racontés par les voisins, comme ces appels au secours depuis une fenêtre. "*En 2011, j'ai appelé les flics, je leur ai dit qu'il y avait quelqu'un dans la maison là-haut et qu'il y avait des cris. Les flics sont venus, ils ont frappé très fort à la porte, 20 fois, pas de réponse, et ils sont partis. Ma sœur a vu une femme avec un bébé devant la fenêtre, ils frappaient ! On a appelé la police et ils sont partis * ", raconte Witchy.La police affirme qu'elle n'a pas reçu cet appel. Mais le quartier s'emballe pour ne pas avoir à pensé qu'il n'a rien vu, rien entendu, pendant dix ans.