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Retraites : sommes-nous prêts à travailler plus longtemps ?

Le sujet est au cœur de la conférence sociale, jusqu'à vendredi soir : la réforme des retraites. France Info a rencontré quatre salariés, tous quadragénaires, nés au milieu des années 1960. Ils sont encore loin d'avoir fini leur carrière, mais ils seront sans doute obligés de cotiser plus longtemps pour partir avec une pension complète.
Article rédigé par franceinfo
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Faire des efforts
et accepter de rester plus longtemps dans la vie active, cela dépend aussi
beaucoup de la pénibilité de chaque profession. Travailler 43, voire 44 ans, ce
sera peut-être une réalité si le gouvernement retient les propositions du
rapport Moreau remis la semaine passée. 

Fabienne est
ouvrière du textile chez Lacoste, à Troyes. Elle est chargée du repassage et du
conditionnement des vêtements. Elle a entendu les déclarations de François Hollande :
"Comme l'espérance de vie augmente, il est logique de travailler un
peu plus longtemps
". Elle n'a pas vraiment apprécié : "Je ne
pensais pas que la gauche nous aurait dit ça. Qu'ils viennent déjà travailler à
notre place, et on verra après, il faut venir passer un mois dans un atelier de
bonneterie. C'est vraiment du travail à la chaîne, on a mal aux mains et des
courbatures partout. Je suis ouvrière et ce n'est pas de tout repos, quand vous
quittez votre poste, il faut encore s'occuper des enfants et du ménage. J'ai
encore plus de 20 ans à travailler. Je ne pense pas tenir le coup aussi
longtemps
".**

* La carrière de Fabienne est "à trous* ", avec
des interruptions pour élever ses enfants. Pour avoir une pension de retraite
complète, elle risque de toute façon de devoir travailler bien au-delà de 65
ans. 

Définir une
profession "pénible"

65 ans... C'est déjà
trop pour un autre salarié, Ramesh, qui exerce son métier à l'aéroport de
Roissy. Ce militant de la CGT est employé par une société privée. Il est chargé
des contrôles de sécurité sur les passagers. Lui non plus, ne veut pas finir sa
carrière trop tard. Car sa tâche, dit-il, est fatigante : "Avec les gens
qui vont prendre l'avion, c'est un travail physique. Des collègues de mon âge –
j'ai 46 ans – ont déjà été opérés des deux genoux. Dès que la sonnerie d'un
portique se déclenche, on fait une fouille complète, il faut se baisser sans
cesse, et ce sont les articulations qui en prennent un coup. Vous avez des
personnes qui commencent à travailler à 4 heures du matin, et qui sont obligées
de se réveiller à deux heures, cette pénibilité-là doit être prise en compte
".

Des pistes existent
dans le récent rapport Moreau. Il est question de pouvoir partir un peu plus
tôt que les autres ou d'aménager son temps de travail en fin de carrière. Mais
le gouvernement devra aussi donner sa définition d'une profession pénible. Et
là, c'est une rude bataille qui s'annonce.

"Pour moi
l'envie de travailler existera toujours, je suis constitué comme ça" (Stéphane)

Tout le monde n'est
pas concerné, loin de là. Pour de nombreux salariés, le métier exercé n'est pas
spécialement physique. Certains ont intégré, de longue date, l'idée de
travailler plus longtemps. A Bourgoin-Jallieu, dans l'Isère, Marie-Pierre et
son mari Stéphane, 46 ans chacun, ont donné rendez-vous dans leur pavillon
coquet. Elle est assistante de direction, lui est cadre commercial et tous les
deux sont prêts à travailler encore une vingtaine d'années. Inévitable, dit
Stéphane, si l'on veut limiter le déficit des retraites : "Je me
sens citoyen et prêt à contribuer à l'effort collectif, jusqu'à 65 ou 66 ans.
Pour moi l'envie de travailler existera toujours, je suis constitué comme ça,
mon métier me permet de voyager et de multiplier les rencontres
".

* Marie-Pierre
acquiesce : "
Aujourd'hui, ça ne me fait pas vraiment peur, je
suis dans un bureau, ce n'est pas très pénible, j'ai la chance de faire des
choses différentes et je ne vais jamais travailler à reculons, mes collègues
sont sympathiques. Même si je dois rester jusqu'à 66 ans, je me sentirai
toujours assez jeune à ce moment-là. Ensuite, j'espère bien avoir encore de
belles années pour profiter d'une retraite agréable* ".

La question des
seniors

Cela dit, ce couple
de quadragénaires n'est ni insouciant, ni naïf. Marie-Pierre et Stéphane se
demandent si après 60 ans, ils seront toujours capables de travailler au même
rythme. Et s'ils veulent bien rester actifs longtemps, ils savent pertinemment
qu'ils ne seront pas les seuls à décider : "Vous dire si à 65 ou
66 ans, un employeur aura bien voulu me garder alors que je serai devenu un
senior, c'est une grande interrogation pour moi
", lance Stéphane. Sa
femme se pose la même question. Elle n'aimerait pas être obligée de rechercher
un "petit boulot " alimentaire, "pour survivre,
comme c'est le cas aux Etats-Unis, pour des seniors de 65 ans
".

Pour ces
quadragénaires, on ne peut donc pas dissocier la réforme des retraites de la question
du maintien des salariés âgés dans l'entreprise. En France, pour l'instant, le
taux d'emploi des plus de 55 ans demeure inférieur à la moyenne européenne. Il
dépasse à peine les 40 %.

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