Les salariés de l'automobile, cobayes de la flexibilité
Direction le camping d'Épone, à quelques kilomètres de l'usine Renault de Flins (Yvelines) et l'un des sites qui accueillent en ce moment le plus grand nombre d'ouvriers en mobilité. Ils sont tous volontaires, comme Fabrice qui vient de Sandouville (Seine-Maritime).
Les accords de flexibilité voulus par Renault comportent justement un volet "mobilité". Et si le texte est adopté, pour Fabrice cela veut dire concrètement la fin de la compensation financière et du volontariat, puisque les prêts d'ouvriers entre sites seront obligatoires s'ils appartiennent au même pôle, ce qui est le cas pour Sandouville et Flins.
Fabrice, qui partage avec un collège un mobil-home de 24 m2 et qui ne rentre chez lui qu'une fois par mois, trouve cela injuste. "C'est vrai qu'on peut mettre un peu d'argent de côté en faisant très attention. Mais il faut se lever dans un mobil-home, quand il fait dix degrés, qu'il neige, qu'il fait froid. On est courageux quand même. Il y en a qui quittent leur famille pour venir travailler ici. On est tout sauf des nantis", se défend-il.
Au-delà de cette mobilité forcée, les accords de flexibilité de Renault prévoient un quasi gel des salaires sur trois ans et une augmentation du temps de travail de 6,5 % en moyenne dans les usines.
"On n'avait pas le choix"
Des accords de flexibilité ont déjà été signés par l'autre constructeur français, PSA Peugeot Citroën sur le site de Sevelnord. La direction envisageait de fermer cette usine il y a deux ans encore. Et sans les accords de flexibilité, les 2.600 salariés du site auraient pu aujourd'hui se retrouver dans la même situation que leurs collègues d'Aulnay-sous-Bois.
C'est ce qu'a voulu éviter Jean-Charles Masclé, le secrétaire du comité d'entreprise. "Suite à cet accord, on s'est vu attribuer un nouveau véhicule. Cela représente 15 ans d'existence d'assurés. On n'avait pas le choix", justifie le représentant du personnel.
Ce nouveau véhicule, un utilitaire, Sevelnord le fabriquera en partenariat avec Toyota. Au passage, les salariés ont cédé à l'entreprise quatre jours de RTT, accepté un gel des salaires ou encore l'obligation de rester plus longtemps sur une ligne de montage certains jours, en cas de problème technique.
Sevelnord investit aussi pour accueillir ce nouveau modèle : 750 millions d'euros, certes partagés avec le constructeur japonais. Mais selon le directeur de l'usine, Patrick Labilloy (notre photo), tous ces efforts font gagner en compétitivité, mais jusqu'à un certain point seulement. "Une plus petite usine comme Sevelnord située en France ne pourra jamais avoir le même prix de revient qu'une grosse usine située dans un pays où le coût de la main-d'œuvre est nettement inférieur. C'est impossible. C'est pour cela que notre objectif n'était pas d'avoir le même prix que l'Espagne ou encore moins que la Roumanie. Notre objectif était de rendre rentable ce projet à Sevelnord parce que toutes les voitures du groupe PSA ne vont pas être fabriquées à Vigo en Espagne ou à Trnava en Slovaquie", explique le directeur du site.
"On ne peut pas se serrer la ceinture et baisser notre pantalon en même temps" (Fabrice, ouvrier chez Renault)
Du côté de Renault, on martèle que ces accords de flexibilité sont inévitables pour conserver les six usines que compte la marque au losange en France. Mais cela ne suffit pas à convaincre Fabrice, l'ouvrier de Sandouville en mobilité à Flins. "On vit dans la cinquième puissance économique du monde. Le profit va uniquement aux actionnaires et aux grands patrons alors que c'est aux ouvriers de se serrer la ceinture. Je regrette, on ne peut pas se serrer la ceinture et baisser notre pantalon en même temps !", tonne-t-il.
De son coté la direction de Renault a bon espoir de voir le texte signé par les syndicats d'ici le mois prochain au plus tard.
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