Cet article date de plus de douze ans.

Les états d'âme de la France qui travaille

Très politisé, ce 1er mai est aussi une bonne occasion de revenir sur les rapports que les Français entretiennent avec le travail - qu'ils en aient, en cherchent ou en créent. Des deux côtés du contrat de travail, l'ambiance n'est pas à la fête. Reportage dans le Haut-Rhin.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
  (©)

Le département du Haut-Rhin subit de plein fouet la désindustralisation. Et le chômage qui va avec : il a bondi de 9% en un an. Politiquement, ce département frontalier de l'Allemagne est traditionnement à
droite. Au 1e tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy est arrivé en tête avec
près de 32% des voix, suivi par Marine Le Pen avec 23% . En 2002, son père
était arrivé en tête du scrutin au 1er tour.

A quelques kilomètres du voisin germanique envié pour ses bonnes
performances économiques, la question de la "valeur" travail se pose ici plus qu'ailleurs.

"Une différence de mentalité énormissime entre France et l'Allemagne"

Christian Andreani se présente comme un self-made man . Fils d'ouvrier,
il est aujourd'hui concessionnaire automobile à Mulhouse, patron d'une centaine
de salariés. Même s'il n'est pas encarté à l'UMP, ses convictions penchent
plutôt à droite. Et selon lui, le travail est aujourd'hui dénigré en France :
"Aujourd'hui, un chef d'entreprise en France est regardé comme quelqu'un qui
a plus de chance qu'un autre, comme un arriviste. Un chef d'entreprise en
Allemagne est quelqu'un qu'on respecte parce qu'il prend des risques. Quand
l'Allemagne traverse des temps difficiles, les salariés sont capables de réduire leur salaire
de 10, 20 voire 30%. Cette différence de mentalité et
dans la valeur travail en France et en Allemagne est énormissime !"

Un discours qui fait doucement rigoler Denis Ravassat, délégué CGT de l'usine
Peugeot Scooter de Dannemarie. Faire confiance au patron, ce n'est pas dans ses
habitudes. Et il a raison s'il en croit l'expérience de ses 240 collègues de
l'usine de fabrication de deux-roues : "On avait 22 jours de RTT, on nous
les a réduits de moitié pour être plus compétitifs. Aujourd'hui, l'activité est
délocalisée en Chine. Donc, ce n'étaient que des bobards. L'usine va fermer à la
fin de l'année !"

Sur le chômage non plus, les deux camps ne sont pas d'accord. Toussaint Taverny est délégué CGT de l'usine Peugeot de Mulhouse, premier
employeur privé de la région avec 9.000 salariés. Selon lui, la flambée du
chômage dans la région est due à la désindustralisation. " Rien que dans la métallurgie, 7.000 emplois ont
été détruits en un an en Alsace"
, dit-il. Et il
ajoute : "Il n'y a aucune perspective dans le département. On peut dire ce
qu'on veut, un jeune, ce qu'il veut avant tout, c'est travailler."

Un avis que ne partage pas Fabrice Ciarletta, militant UMP de 34 ans et
commercial dans une PME de textile. Selon lui, certains emplois ne trouvent pas
preneur, notamment dans l'hôtellerie-restauration, parce qu'"Une partie de la
population est confortablement installée à la maison parce qu'elle a ce qu'il
lui faut pour subvenir à ses besoins. Entre le chômage, les transports gratuits,
les allocations, le logement social et quelques heures au noir, tout ça mis bout
à bout, pourquoi aller travailler et payer des impôts"
,
s'interroge-t-il.

La majorité silencieuse, il pense en faire partie. Et c'est important selon
lui que ces gens s'expriment à l'occasion du rassemblement de Nicolas Sarkozy au
Trocadéro. "C'est aussi un message adressé aux syndicats qui sont parfois un
peu trop tournés vers eux-mêmes et pas assez vers le monde du
travail."

"Ceux qui disent que ce n'est pas un vrai travail, ils n'ont qu'à venir faire un
tour ici"

Ce discours révolte Toussaint Taverny, le délégué CGT de l'usine Peugeot de
Mulhouse :"J'ai les mêmes conditions de travail que les autres ouvriers. Cela
fait 36 ans que je me réveille pour aller prendre mon poste à 5h30 du matin. Ceux qui disent que ce n'est pas un vrai travail, ils n'ont qu'à venir faire un
tour ici."

Un regret tout de même du côté de la CGT. La CFDT Alsace ne se joindra pas au
cortège du 1er mai tout à l'heure, bravant ainsi l'appel de la confédération au
niveau national, au motif que le rassemblement est trop politisé cette
année.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.