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Le Royaume-Uni, le pays des eurosceptiques

A Bruxelles, les 27 discutent depuis hier du prochain budget de l'Union européenne. Un pays en particulier s'est distingué avant ce sommet : le Royaume-Uni. Londres adopte la position la plus radicale en refusant toute augmentation des dépenses. Preuve que l'Europe est de plus en plus impopulaire outre-Manche.
Article rédigé par franceinfo
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D'après un sondage publié dimanche,
56% des Britanniques veulent quitter l'Union européenne. Seuls 30% d'entre eux souhaitent
rester au sein de l'UE.

Une hostilité ambiante

Au fond, le Royaume-Uni n'approuve
que le marché unique. Il fustige la bureaucratie européenne et les "diktats "
de Bruxelles.  Peter Walker, qui dirige
une petite entreprise dans le sud de l'Angleterre,  ne supporte pas d'être "soumis aux
décisions d'inconnus qui n'ont même pas été élus. Je veux que le Parlement
britannique me dise quoi faire. Je veux qu'une personne élue par un électeur
britannique me dise quoi faire
", insiste-t-il. "Pas juste
quelqu'un qui a postulé à un job et l'a obtenu à Bruxelles.
"

Ce chef d'entreprise vote
conservateur. Mais l'hostilité envers l'Europe transcende les clivages
politiques. A gauche aussi, les travaillistes veulent désormais en majorité
quitter l'UE.

L'euroscepticisme ambiant
est alimenté par les médias. Les journaux anglais adorent critiquer l'Union
européenne.

La crise de l'euro a bien
sûr renforcé le sentiment anti-européen, cette impression que des pays aux
cultures et aux valeurs différentes ne peuvent pas travailler ensemble.

Ensuite, à l'heure de
l'austérité, l'UE symbolise le gaspillage de l'argent public. C'est pourquoi
Londres ne veut surtout pas augmenter le budget de l'Union européenne.

L'Europe, c'est les autres

Et puis il y a des raisons
plus profondes, historiques, liées à l'insularité du pays. La Grande-Bretagne a
longtemps été un empire colonial, plus proche du Commonwealth que du "vieux
continent
". 

Ann Stevens, professeur
émérite des études européennes à l'université d'Aston à Birmingham, rappelle
que "les amis des Britanniques, historiquement, ce sont les Américains,
les gens du Commonwealth, des peuples qui parlent la même langue que nous.
Pendant des siècles, c'est en Europe qu'on trouvait les ennemis de
l'Angleterre, la France ou l'Allemagne. En Grande-Bretagne, on a peur que
l'Union européenne nous prive de notre culture, nous enlève la livre sterling.
On ne veut pas être dilués dans cette Europe républicaine, laïque, qu'on ne
comprend pas vraiment. En résumé, l'Europe c'est les autres.
"

Bientôt une sortie de l'UE ?

Dans ces conditions,
pourquoi donc rester au sein de l'Union européenne ? De nombreux
responsables politiques britanniques militent aujourd'hui ouvertement pour une
sortie de l'UE.

Il existe même au Royaume-Uni un parti dont c'est le principal objectif : le UKIP, longtemps un
mouvement confidentiel qui n'arrivait à percer qu'aux élections européennes.
Désormais, selon certains sondages, le UKIP est la 3e force
politique du pays, devant les libéraux-démocrates. Il représente environ 10%
des suffrages et menace le parti conservateur.

Gerard Batten est l'un des douze
députés européens du UKIP : "On ne déteste pas l'Europe vous
savez, ce qu'on déteste, c'est l'Union européenne
", plaisante-t-il. "L'UE
est une construction politique. D'abord c'est un désastre économique. Et
ensuite un désastre démocratique. Il n'y a pas de voie intermédiaire :
vous êtes soit dedans soit dehors. Et c'est le problème de la vie politique ici
depuis maintenant 40 ans. Les autres partis, conservateurs, travaillistes et
libéraux-démocrates, prétendent qu'on peut être dedans et rester un pays
souverain. Ce n'est pas possible.
"

Et l'aile droite du parti
conservateur est maintenant sur la même ligne. Il met une pression terrible sur
David Cameron et exige un référendum sur l'Union européenne. Le dernier
remonte à 1975.

Un référendum sur l'Union européenne ?

L'hypothèse d'un référendum est tout à fait
probable selon Charles Grant, du Centre pour la réforme européenne : "David
Cameron est faible dans son parti
", dit-il. "Il est impopulaire à
droite du parti conservateur. Pour avoir plus de contrôle sur les Tories, le
Premier ministre doit donc donner de la red meat, de la viande rouge, aux
"animaux" de l'aile droite, pour les apaiser. Et cette viande rouge,
c'est un référendum sur l'Union européenne. David Cameron va donc probablement
leur offrir cette promesse et ce sera alors très difficile pour Ed Miliband de
ne pas offrir la même chose alors que l'opinion britannique souhaite être
consultée. Et donc il y aura sans doute dans quelques années un référendum sur
l'Union européenne.
"

Même si les états-majors conservateurs
et travaillistes militent pour le maintien dans l'UE, une telle consultation
serait politiquement très dangereuse tant l'Europe est impopulaire dans
l'opinion britannique.

On n'en est pas encore là,
mais à Bruxelles, David Cameron se sait épié, pris en tenaille entre ses
partenaires européens qui attendent des concessions et l'aile droite de son
parti qui lui demande de ne rien lâcher.

 

Retrouvez le blog de Franck Mathevon, le correspondant à Londres de France Info.

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