Le procès des surirradiés d'Epinal s'ouvre ce lundi
Marcel Levrey a 62 ans
quand on lui diagnostique un cancer de la prostate. Cet ancien magasinier,
comme des centaines d'autres patients, se fait soigner au centre hospitalier
Jean Monnet d'Epinal. Après son intervention chirurgicale, on lui prescrit 35
séances de radiothérapie entre octobre et décembre 2004.
Huit mois plus tard, Marcel
Levrey commence à avoir des hémorragies rectales. C'est le début d'une longue
descente aux enfers qui le conduit à mourir en janvier. Sa femme
Christiane et l'une de ses filles, Guylaine racontent avec beaucoup de pudeur
ces longues années de souffrance: "On a souffert de le voir partir, un
homme bien portant, toujours à plaisanter. Et puis du jour au lendemain vous
voyez votre père obligé de mettre des couches. Pour lui il était plus un homme,
il était plus rien" .
Que s'est-il passé à l'hôpital Jean Monnet d'Epinal ?
Il y a deux médecins
radiothérapeutes qui gèrent le service, Jean-François Sztermer et Michel Aubertel,
ainsi qu'un radiophysicien, Joshua Anah, spécialiste en radio physique
médicale. L'hôpital attendait depuis 2001 un poste de radiophysicien
supplémentaire, pour faire face à l'augmentation du nombre de patients.
A l'origine des
surriraditions, deux erreurs humaines : d'abord, entre 2004 et 2006, un mauvais
paramétrage lors du passage à une nouvelle génération d'appareil. 24 patients
vont subir des doses de radiation 20% supérieures à ce qui est autorisé : ce
sont les plus touchés.
Autre erreur, qui a duré de
2001 à 2006, la non prise en compte des doses d'irradiation des contrôles radio
pour vérifier le bon positionnement du patient avant la radiothérapie.
424 personnes ont été
surirradiées, de l'ordre de 8 à 10%. Toutes ces victimes
espèrent beaucoup du procès qui s'ouvre aujourd'hui.
Elles veulent savoir
pourquoi les médecins et le radiophysicien ont continué les séances après
s'être rendu compte de leur erreur, pourquoi il y a eu une mauvaise gestion des
autorités sanitaires régionales et départementales.
Philippe Stabler est
surirradié et président de l'association de victimes d'Epinal, l'AVSHE :
"Pour moi le plus choquant, c'est qu'ils nous ont abandonné. Je n'ai
jamais eu d'informations directes de la part des médecins. On attend qu'une
seule chose du procès : connaitre la vérité: pourquoi cela a duré si longtemps,
pourquoi ne nous ont-ils rien dit?"
Pendant l'instruction, les
deux médecins radiothérapeutes et le radiophysicien n'ont cessé de se renvoyer
la responsabilité des défaillances et des négligences. Mais l'enquête est
accablante, notamment concernant Josuah Anah, responsable des appareils et du
contrôle des dosages.
Son avocat, Jean Reinhart,
dit que son client reconnaît une responsabilité morale, mais certainement pas
pénale: "Il n'y a pas eu de négligence de sa part. Lui ce qu'on lui
reproche c'est par exemple de ne pas avoir formé les praticiens et les
manipulateurs. Mais rien ne l'obligeait et aucun texte légal ne le permettait.
Donc on est dans une situation de non droit où on va faire peser sur lui une responsabilité
qui n'existe pas" .
Dans quelques heures, lui,
les deux médecins, la directrice de l'hôpital Jean Monet, le directeur de
l'agence régionale d'hospitalisation et la directrice de la direction
départementales des affaires sanitaires de l'époque (accusés de non assistance
à personne en danger) seront face à plus d'une centaine de victimes et leurs
familles. Ceux qui sont trop malades pour se déplacer pourront suivre en direct
le procès qui sera, c'est exceptionnel, retransmis au tribunal d'Epinal.
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