Le FN et les profs : un mariage impossible ?
Alors que le
discours de Jean-Marie Le Pen était très violent à l'égard des enseignants, il
parlait de "racaille enseignante" , sa fille a changé de ton.
Elle part du constat très noir de la "faillite généralisée du
système" pour appeler les enseignants à devenir les "hussards
noirs la République" .
Cet affichage a
déjà séduit certains enseignants, comme Alexandre. Ce jeune prof de banlieue
parisienne de 26 ans a rejoint le collectif Racine cet été, il est militant au
FN, mais il préfère garder l'anonymat pour rester masqué face à ses collègues.
Ses convictions n'en sont pas moins fortes. "Ce qui m'a poussé à
rentrer dans ce collectif, c'est quand j'ai constaté ce qui se préparait à la
rentrée dans la circulaire de Vincent Peillon, quand j'ai constaté que le
laxisme allait se développer encore plus" , explique-t-il. Il estime
que les enseignants de ce collectif "ne sont pas sectaires" ,
mais adeptes d'un certain "patriotisme, quand même" .
Le FN veut conquérir de nouvelles voix
Les fondateurs de
ce collectif ne sont pas tous issus du Front national. Certains sont d'anciens
chevènementistes comme Alain Avello, professeur de philosophie à la
Roche-sur-Yon en Vendée. Il veut croire que la mayonnaise peut prendre dans les
établissements, car pour lui, "il n'y a aucune contradiction entre les
valeurs de l'école républicaine et les idées du Front national" .
"Au contraire, dit-il, le Front national est sans doute le dernier parti
dont les positions sont strictement républicaines."
La stratégie du
Front national est donc de conquérir de nouvelles voix dans un monde qui lui
est globalement hostile, mais ce parti vient de très loin. Quelque 5% des
enseignants ont voté pour Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle en
2012, tandis que 56% ont préféré voter à gauche et 20% pour l'UMP.
Une portée "limitée"
Cette adhésion est
donc marginale, mais le vote des enseignants évolue pour Luc Rouban. Pour ce
directeur de recherches au CNRS et au Cevipof, le centre d'études de la vie
politique française, "la grande force du FN est son positionnement
idéologique sur le terrain de la défense de la laïcité, contre les
communautarismes" . "Il y a donc un espace politique qui
s'ouvre, mais globalement la portée du FN est limitée" , conclut-il.
De leur côté, les
syndicats d'enseignants traditionnels voient arriver cet Ovni avec stupeur dans
les établissements. Certains ne veulent pas s'exprimer, d'autres préfèrent
rappeler que derrière cette opération séduction, le vrai visage du FN ne change
pas et qu'il est incompatible avec les valeurs de l'école.
Un discours qui n'a que "peu de prise" (syndicats)
Pour Christian
Chevalier, du syndicat des enseignants de l'Unsa, "en tant
qu'éducateur, on ne peut pas cautionner un parti qui est xénophobe, refuse les
différences et le vivre-ensemble" . Quant à Sébastien Sihr, du Snuipp,
principal syndicat du primaire, il estime que "si Marine Le Pen
s'appuie sur l'isolement et le déclassement des enseignants, son discours
n'aura que peu de prise sur les enseignants, bien trop attachés à la fraternité
et à l'accueil des enfants, quelle que soit leur origine".
Ils estiment enfin que le programme du FN en matière d'éducation est
rétrograde. Il prône notamment l'apprentissage dès 14 ans et il refuse les
usages du numérique, même s'il réclame par ailleurs plus de postes. Le
collectif Racine semble donc bien loin de séduire une majorité d'enseignants.
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