Cet article date de plus d'onze ans.

Le contrat de génération sera-t-il efficace contre le chômage ?

Avant le mariage pour tous, c'est le premier texte important de l'année à l'assemblée nationale. Le débat sur cette mesure destinée à enrayer la montée du nombre de demandeurs d'emploi commence aujourd'hui. Ce contrat de génération était l'un des principaux engagements de campagne de François Hollande. Le principe : inciter les entreprises à embaucher des jeunes, sans licencier pour autant de salarié senior. Les patrons se laisseront-ils convaincre ? France Info a enquêté en région parisienne.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
  (©)

Ce contrat est une
prime à l'embauche pour les petites et moyennes entreprises de moins de 300
salariés. Pour convaincre les patrons, l'Etat mettra donc une aide financière
sur la table. Si une PME recrute un
jeune de moins de 26 ans en CDI, tout en conservant dans ses effectifs un
senior, elle aura droit à 4000 euros de prime par an. L'aide pourra être versée
pendant trois années consécutives, soit un coup de pouce potentiel de 12.000 euros.

Stéphane Le Viet est séduit.
Il dirige une start-up parisienne de 40 salariés, spécialisée dans les
ressources humaines sur les réseaux sociaux. Pour lui, cette aide est vraiment
significative : "4.000 euros, ce n'est pas rien, c'est même très
important pour nous, dans une entreprise jeune qui recrute des jeunes. Cela
peut représenter entre un et trois mois de salaire. Cela va nous aider à
déclencher certaines embauches, et à en accélérer d'autres que l'on aurait mis
plus de temps à effectuer. Nous recrutons déjà beaucoup, nous nous développons
très vite, mais le contrat de génération pourrait nous permettre de recruter
entre 3 et 5 personnes de plus par rapport à ce qui était envisagé au
départ
".

"On n'est pas
des chasseurs de prime
"

Au-delà de cet
exemple idéal, on peut légitimement se demander si le nouveau contrat débattu cette
semaine va vraiment aboutir à des créations nettes d'emploi. Car d'autres
patrons vont empocher une prime pour un recrutement qu'ils avaient déjà prévu. Dans
ce cas, ce n'est pas le contrat de génération qui créera l'emploi, comme en
témoigne Joëlle Brillot. Elle a 30 salariés sous ses ordres. Elle est à la tête
d'une petite industrie de transformation de minerai basée à Paris et en
Picardie : "Il y aura bien sûr un effet d'aubaine. J'étais
justement en train de me dire qu'il fallait que j'embauche bientôt un jeune, et
je l'aurais fait de toute façon. Je vais donc remplir le papier du contrat de
génération et j'aurai la prime. Cela va faire un peu de beurre dans les
épinards, cela permettra peut-être d'offrir un salaire un petit peu supérieur,
c'est une très bonne idée qu'on ait une aide. Mais diriger une entreprise, ce
n'est pas être chasseur de prime. On n'embauche pas quelqu'un parce qu'on va
avoir une aide de l'Etat, ce serait grave ! On recrute une personne car on
a du travail à lui donner, c'est par là que tout commence !
"

Dans d'autres
entreprises, en revanche, cette aide de l'Etat laisse presque indifférent.
Direction Villeneuve-la-Garenne, au Nord de Paris, dans une société d'archivage
de documents. C'est une entreprise plus grosse que les précédentes, 200
salariés.

Et compte tenu de
sa taille, les conditions sont plus strictes pour obtenir la prime du contrat
de génération. Le patron, Jacques Thibon, n'est guère donc guère
intéressé : "Il ne faut pas oublier que pour bénéficier de l'aide
de l'Etat, nous devons faire un accord d'entreprise
(dans les sociétés de
plus de 50 salariés, NDLR). Cela demande du temps et de l'énergie, car il
faut négocier. Doit-on se donner tout ce mal, pour obtenir 4.000 euros de
prime ? Je crois que le jeu n'en vaut pas la chandelle
".

Pas évident de trouver un tuteur

Un autre aspect peut
poser problème à certains chefs d'entreprise dans le contrat de
génération : un jeune recruté devra être accompagné dans l'entreprise par
un tuteur. Dans certains métiers, ce n'est pas forcément évident, notamment dans
les services à la personne.

Charles Serroude dirige une petite société
parisienne spécialisée dans l'aide à domicile. Les clients sont âgés, ils ne
peuvent plus faire leurs courses ou leur toilette. Et le patron n'a pas envie
de leur envoyer des jeunes en contrat de génération : " Quand on
prend quelqu'un sous tutorat, cela fait deux personnes. C'est trop dans un
domicile. Vous me direz que c'est bien pour le client, il a deux personnes pour
le prix d'une. Mais non, c'est faux ! Il faut respecter l'intimité des
gens âgés. Si un client voit débarquer deux personnes chez lui, il ne sera pas
content. L'un d'eux m'a dit récemment qu'il en avait marre de montrer son
derrière à tout le monde ! En pratique ce dispositif ne peut pas
fonctionner chez moi. Vous pourrez me donner toutes les incitations fiscales,
cela ne marchera pas, ou alors je perdrai des clients. "
 

Du désintérêt total
à l'enthousiasme le plus franc, les réactions patronales sont donc très
contrastées. Il est ainsi très difficile de mesurer l'impact réel sur l'emploi.
Le gouvernement affiche toujours le même objectif : 500.000 contrats
signés d'ici la fin du quinquennat.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.