Le carton des cartoons français
Troisième. Aujourd'hui, la
France occupe la troisième place sur le podium de la production de films
d'animation, derrière les États-Unis et le Japon. L'industrie hexagonale est
devenue un marché à part entière : 5.000 personnes en vivent.
Pourtant, comme le raconte
le producteur Didier Brunner, il y a trente ans, en dehors du traditionnel
Disney de Noël, dans les salles, c'était le désert : "Dans les
années 1980, il y avait une invasion de l'animation japonaise en France. Puis
il y a eu une volonté politique du ministère de la Culture de redéployer des moyens industriels, en mettant en place des outils , pour faire des
programmes jeunesse à la télévision. L'industrie de l'animation est donc née
grâce à la télé. C'est ensuite que l'on s'est dit : si on peut le faire à
la télévision, pourquoi pas au cinéma ? "
Cinq années de travail pour "Ernest et Célestine"
Pionnier de l'animation en
France, Didier Brunner se lance alors avec le réalisateur Michel Ocelot dans
l'aventure de Kirikou. Le premier film, "Kirikou et la
Sorcière ", sort en 1998. C'est un
énorme succès.
En dix ans, une trentaine de long-métrages vont sortir en salle.
Parmi eux, certains seront plébiscités par le public et la critique : "La Prophétie des Grenouilles ", "Les Triplettes de
Belleville ", plus récemment "Un Monstre à Paris ", "Le
Jour des Corneilles ", jusqu'à "Ernest et Célestine ", qui sort cette année pour les fêtes.
Comme c'est généralement le
cas en France, la production d'"Ernest et Célestine ", également
produit par Didier Brunner, et co-réalisé par Benjamin Renner, Vincent Pater,
et Stéphane Aubier, a nécessité cinq années de travail, et mobilisé une
cinquantaine de personnes réunies autour du projet.
Les Américains viennent chercher la "French touch"
En France, il n'existe que
très peu de structures permanentes, à l'image des grands studios américains,
comme Disney-Pixar, et Dreamworks. Seule exception :
Illumination Mac Guff. Dans une rue cachée du 15e arrondissement
de Paris, des dizaines de jeunes animateurs français travaillent dans ce studio
financé par le géant américain du divertissement, Universal.
C'est ici qu'il y a quelques
années est né un film qui, lui aussi, a très bien marché, et dont on aurait pu
croire qu'il a été entièrement produit par Hollywood. Son titre : "Moi, Moche et Méchant ". La suite du film vient d'être produite et doit
sortir au cinéma en juin 2013. Pour son co-réalisateur américain Chris Renaud, travailler
avec des Français permet de bénéficier de la "French touch", que
les animateurs acquièrent ici "dans des écoles merveilleuses comme les
Gobelins. Tous sont imprégnés d'une culture très forte inspirée des
Beaux-Arts, de la bande-dessinée, et des romans graphiques ".
Près de 80 formations en France
Avec le développement de
l'industrie de l'animation, le nombre de formations a proliféré. On en compte
aujourd'hui près de 80. Certaines sont de vraies références, comme les
Gobelins, donc. Concours ultra-sélectif, trois (bientôt quatre) ans d'études,
et à la sortie, une formation d'excellence. Les Américains viennent d'ailleurs
régulièrement faire leur marché parmi les animateurs même si, comme le tempère
Laurent Moing, étudiant aux Gobelins, "ils ne viennent courtiser qu'un
élève par promotion, et il y a un côté fantasme ".
Si tous les cerveaux et
crayons d'animation français ne fuient pas à Hollywood, en revanche, les films,
eux, se vendent comme des petits pains à l'étranger. Pour reprendre l'exemple d'"Ernest et Célestine ", il a déjà été vendu dans 25 pays, avant même sa
sortie en France. En réalité, les dessins animés français attirent presque
autant de spectateurs étrangers que de spectateurs nationaux.
"En France, les films ont encore leurs défauts, comme des choses humaines, et c'est ce qui les rend attachants"
Une exportation qui s'explique d'abord par
les facilités de doublage d'un personnage cinéma. Mais, spécifiquement,
qu'est-ce qui séduit tant dans l'animation française ? Pour Serge
Bromberg, directeur artistique du Festival du Film d'animation d'Annecy pendant
douze ans, "les films américains sont des machines de guerre produites à
coup de centaines de millions de dollars et surtestées : rien n'est laissé
au hasard. Alors qu'en France, les films ont encore leurs défauts, comme des
choses humaines, et c'est ce qui les rend attachants. Ça donne des œuvres un peu moins faciles
d'accès, mais elles sont humaines : elles nous parlent ". L'exception
culturelle française à l'aune de l'animation, en somme.
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