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La rigueur vue de Chateaudun

François Fillon a dévoilé hier un nouveau train de mesures de rigueur, pour tenter de diminuer la dette de la France. Comment ces mesures sont-elles accueillies dans les villes moyennes, rarement sous les feux de la rampe, mais où vivent environ un tiers des Français ? Rendez-vous à Châteaudun (Eure-et-Loir), qui a la réputation de refléter l'image de ces villes moyennes.
Article rédigé par franceinfo
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Franceinfo (Franceinfo)

L'"image d'Epinal" de Châteaudun, c'est son château médiéval,
perché sur un éperon rocheux dominant le Loir. Au pied de ses murailles
vivent
14.000 habitants, dans une agglomération reconnue pour sa tranquillité,
d'une
douceur angevine que n'aurait pas reniée le poète Joachim du Bellay.

Sans la troubler outre-mesure, les annonces du Premier ministre
François
Fillon, hier, ne sont pas passées inaperçues. Didier Huguet, maire sans
étiquette
de la ville s'inquiète. La population est vieillissante et
le
départ de l'entreprise électronique Flextronics, en 2008, est venu
accélérer la
saignée des actifs. Les revenus des Dunois sont plus faibles que la
moyenne
française : 20% en dessous du pouvoir d'achat national. Les
augmentations
successives du coût de l'énergie les a encore fragilisés et les services
sociaux
de la ville reçoivent de plus en plus demandes d'aide. "J'ai peur
que
ça rajoute un coup important
", craint Didier Huguet, faisant
référence
aux conséquences des mesures d'austérité annoncées par le gouvernement.

Didier Huguet n'est pas seulement maire. Il est aussi l'un des
pharmaciens
de la ville. Et les mesures d'économie sur la santé ne l'enthousiasment
pas non
plus. Les médicaments dits "de confort", sirops pour la toux et
autres produits en auto-médication, risquent de passer de 5,5% de TVA à
7%, et
de nouveaux déremboursements sont à prévoir. Déjà, des personnes âgées
renoncent
à se soigner à cause des prix. Il craint qu'à terme, ce sillon ne
conduise à un
affaiblissement du réseau des pharmacies, qui, dans le centre de la
France,
pallie parfois le manque de médecins.

Le maire n'est pas le seul à soupirer en entendant la liste des
annonces du
Premier ministre. A Châteaudun, ville qui bénéficie des subsides de
l'ANRU pour
la rénovation urbaine, le secteur du bâtiment est relativement
dynamique. La
hausse de la TVA est une mauvaise nouvelle pour les entrepreneurs du
secteur :
"La rénovation d'un pavillon pour un particulier, c'est 20.000 à
30.000 euros. Un point et demi en plus de TVA, ça fait 500 euros
",
calcule Patrick Mutel, gérant de la société ABC Décor, spécialisée dans
les
peintures. L'entreprise réalise la moitié de son chiffre d'affaires avec
des
particuliers, l'autre avec des chantiers, essentiellement publics.
Seulement,
pour 2012, année présidentielle oblige, c'est morne plaine du côté de
ces
contrats. Chacun attend de savoir comment le vent va tourner. Si les
particuliers ne prennent pas le relai, cette société de 12 salariés sera
sans
doute contrainte de licencier. D'autant qu'à cause de la proximité de la
région
parisienne, les entreprises d'Ile-de-France viennent chasser sur ses
terres.

Inquiétude sur les allocs

Au restaurant La Licorne, pas de problème d'emploi en vue. Outre les
deux
gérants, dont le chef, il n'y a que des apprentis. Mais Marc Fleury est
amer.
Son restaurant est l'un des seuls de la ville à avoir joué le jeu de la
baisse
de la TVA. Remonter ses prix est désormais une option qu'il étudiera en
fonction de ses comptes.Sur le vaste parking de la place de la mairie,
où se trouve le restaurant,
Séverine et son mari s'échinent à faire rentrer une poussette dans le
coffre
d'une petite voiture. pour cette mère de trois enfants, qui vit sur un
revenu
de 2.000 euros pour le couple, ce sont les mesures sur les prestations
sociales
qui sont déprimantes. Avec 125 euros pour trois enfants, elle voit
arriver ses
fins de mois avec angoisse. Avec l'indexation de certaines prestations
sur la
croissance et non sur l'inflation, elle craint de voir cette somme
rabotée.
"C'est déjà de plus en plus serré, et ça va être pire. Cela ne va pas
aider
les Français moyens. On se serre la ceinture et on prive les enfants de
beaucoup
de choses qu'on voudrait leur offrir"
, raconte-t-elle. Mais elle ne
regrette pas d'avoir quitté la région parisienne pour trouver ici un
cadre de
vie plus serein, et un quotidien moins cher.

C'est pour une autre raison que Louis et Serge font grise mine,
devant leur
usine, la Paulstra, qui fabrique des composants automobiles. Après la
chute de
Flextronics, Paulstra est devenue le plus gros employeur privé de
Châteaudun,
avec près de 600 salariés. Derrière tout de même la base de l'armée de
l'air.
Tous deux sont nés entre 1952 et 1956. Ils voient donc leur départ à la
retraite reculer, avec la nouvelle date de passage à la retraite à 62
ans :

  1. Louis aura alors cotisé 178 trimestres. Il a commencé à 17 ans, et
    regretterait presque de ne pas avoir commencé à 14 ans, comme certains
    collègues, déjà partis. Il se demande s'il ne parviendra pas à passer
    entre
    les gouttes. Leur entreprise devrait elle aussi être rattrapée : elle
    dépasse
    les 250 millions de chiffre d'affaires et verra donc son impôt sur les
    sociétés
    grimper. Une rareté sur Châteaudun, où seules deux entreprises devront
    en
    passer par là.

                             Reportage : Isabelle
Raymond, Grégoire Lecalot

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