Une prison sans barreaux. Avec des cellules individuelles de 10 mètres carréchacune, dans des petits chalets de bois, entourés d'un double grillage, auloin. Aucun mirador. Pas de mitard. L'établissement pourra accueillir 120 détenus, tous condamnés pour la premièrefois, pour des peines courtes, de moins de cinq ans. Aucun auteur decrime sexuel ou de sang.Dans cette prison expérimentale, chaque détenu entrera librement dans sacellule, imagine Pierre Botton, l'ex-homme d'affaires emprisonnépendant plus de 600 jours dans les années 90, pour abus de biens sociaux.L'homme est ressorti meurtri de ses 20 mois en cellule, baladé de maison d'arrêten maison d'arrêt. Depuis sa libération, il a monté une association, Les prisons du coeur. Etil se bat pour changer le visage des prisons françaises."Privationde liberté, pas de sexualité"Sa prison pilote, il voudrait l'appeler Charles-Roche, du nom du surveillant qui lui avait sauvé la vie un soirde Noël, un soir de déprime.Cette prison ressemblera un peu à un village.Avec une place, des arbres, des salles de sport, d'études, une bibliothèque, unesalle de télévision commune à tous. Pour que les détenus ne soient pas isolésdans leurs cellules. Etre obligés de vivre ensemble, de s'accorder ensemble,pour mieux préparer la sortie. Dans sa prison, Pierre Botton a laissé une grandeplace aux unités de vie familiale car, dit-il, "la peine c'est la privationde liberté, pas la privation de sexualité "."Vous avez une entrée pour les détenus, et une autre pour lesfamilles, avec un manège. Parce que c'est une chose dont moi j'ai souffert. Jene voulais pas que mes enfants soient marqués par les grilles, les bruits. Çamarque un gosse .""Le but est d'éviter que celui quia volé un oeuf vole un boeuf"La grande innovation dans ce village-prison,c'est aussi et surtout, juste à côté des cellules, un centre commercial, où lesdétenus pourront travailler, au contact de clients venus de l'extérieur.L'objectif prioritaire est de réussir la réinsertion. Hazis Vardar, le patron du théâtre parisien LePalace, est l'un des chefs d'entreprise engagés aux côtés de Pierre Bottonpour la réinsertion des détenus. "Pour moi, le but est d'éviter que celui quia volé un oeuf vole un boeuf". Et "l'idéal c'est d'avoirune carotte, se dire : si t'as la formation, tu peux te retrouver à bosser dansun théâtre, et ton avenir n'est pas terminé quand tu sors ".Le modèle corseCe projet de prison "ouverte" est désormais soutenu par le Ministère de laJustice, qui estime que philosophiquement, la prison Botton peut être un modèled'avenir, en tout cas pour les détenus condamnés à de courtes peines, qui n'ontpas besoin de miradors pour purger leurs peines. Le contrôleur général des lieuxde privation de liberté insiste lui aussi sur les points positifs de ce type deprison ouverte. Il note au passage qu'il en existe une depuis plus de vingt ans,en Corse, à Casabiende, pour les longues peines et les condamnés sexuels. Lesdétenus de Casabiende travaillent avec des bêtes, sur des exploitationsagricoles. Ils sont libres dans leur prison à ciel ouvert. "Personne nes'évade ", précise Jean-Marie Delarue. Il ajoute, à propos de la prison Botton,qui divise le petit village de Saint-Julien-sur-Suran, dans le Jura : "Jecrois même qu'il y a moins de danger à faire des prisons qui assureront laréinsertion, qu'à faire des prisons sans âme, des 'usines à captivité', où lesgens se durçiront et représenteront un danger en sortant "."La prison n'enferme pas que des odieux criminels. La personne qui a faitdeux excès de vitesse consécutifs n'est pas dangereuse pour les gens quihabitent à proximité" - Jean-Marie DelarueMais dans l'administration pénitentiaire, leprojet inquiète. "Ce qui nous heurte c'est la méthodologie quiconsiste à permettre à une personne privée d'être à l'initiative d'unétablissement pénitentiaire ", explique Boris Targe, directeur de la prisonde Nantes, et secrétaire national du syndicat national des directeurspénitentiaires. Le principal syndicat desurveillants de prison, l'UFAP, doit manifester aujourd'hui contre cette prisonexpérimentale, évaluée à 10 millions d'euros.