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L'Élysée, en passant par la case Corrèze

François Hollande, ancien maire de la ville de Tulle, va s'installer à l'Élysée. Comme Jacques Chirac avant lui, un autre Corrézien. Même si, dans le cas de François Hollande, il s'agit d'un parachutage qui date de 1981... Retour sur l'ascension limousine du nouveau président.
Article rédigé par franceinfo
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Pour ces législatives de juin 1981, la circonscription d'Ussel est un bastion de droite imprenable. Les ténors du Parti Socialiste ne veulent pas s'y casser les dents, en particulier Jacques Delors. Pressenti pour se présenter, il préfère un petit jeune que l'on présente alors comme son fils spirituel : François Hollande, Normand d'origine, qui a également vécu à Neuilly sur Seine. Il vient d'enchaîner HEC, Science Po et l'ENA. Il doit se faire les dents. S'il ne connaît pas la Corrèze, la réciproque est vraie aussi. Le PS décide de le parachuter.

À peine arrivé, "il s'est simplement pointé à la réunion publique de Jacques Chirac"

Les militants locaux voient donc débarquer un garçon énergique de 26 ans. Premier fait d'arme, il va défier Jacques Chirac les yeux dans les yeux. "On s'est simplement pointés à la réunion publique de Jacques Chirac" , raconte, encore amusé, Claude Manou, son guide corrézien à l'époque. "Il a demandé la parole. Chirac lui a demandé qui il était. Il a répondu : 'Je suis le candidat socialiste pour les législatives qui arrivent. Je vous l'ai même fait savoir en vous envoyant une lettre.' Et Chirac l'a pris de haut en disant 'c'est vrai, j'ai reçu un vague papier' auquel il n'avait pas répondu." Lors du scrutin, le jeune François Hollande est balayé dès le premier tour. L'histoire entre les deux hommes ne fait que commencer, leurs rapports vont nettement s'adoucir par la suite.

Faire du Chirac en Chiraquie

François Hollande est élu député en 1988, dans la circonscription de Tulle cette fois. Le "parachuté" a amadoué les électeurs corréziens avec le temps et les kilomètres. Il s'est transformé en spécialiste des marchés. Certains disent tout simplement qu'il a fait du Chirac. Ignorant tout de l'agriculture, il a appris des uns et des autres. Il a compris, il a intégré. Jusqu'à devenir un interlocuteur crédible. Ce n'était pas une évidence. D'ailleurs en 1988, quand le PS décide de le présenter à Tulle, ça ne va pas sans faire grincer des dents parmi les responsables locaux de son propre parti.

Mais François Hollande les séduit. Il ne fait pas que serrer des mains, il se renseigne aussi. Notamment sur la structure corrézienne de son propre parti. Jusqu'à en maîtriser les moindres rouages. "Il a fait du Chirac" , reconnaît Bernard Chassagne qui est alors secrétaire de la section PS de Tulle, qui ajoute : "Je dirais plutôt qu'il a fait du petit père Queuille. C'est-à-dire qu'il connaissait toutes les familles au bout d'un certain temps, les enfants, les naissances, les décès... Ce qui lui a permis de s'intégrer dans la vie Corrézienne. Et au quotidien, c'était un homme normal. D'ailleurs ma femme me disait au soir de son élection : tu te rends compte, il est Président de la République alors que nous déjeunions avec lui sur la table de la cuisine, il était en face de moi."  Le petit père Queuille dont parle Bernard Chassagne, c'est l'autre figure politique du département. Henri Queuille, trois fois président du Conseil entre 1948 et 1951. Il a notamment créé la SNCF.

Toujours en retard à force de serrer des mains

Queuille, Chirac, Hollande... Trois Présidents de Corrèze. Trois hommes qui ont le sens du contact. Car suivre François Hollande dans les rues de Tulle, c'est s'arrêter sans cesse. La conséquence aussi, c'est qu'il a la réputation, qui n'est pas usurpée, de ne jamais être à l'heure. "Je lui dis juste qu'il faut y aller parce que nous sommes en retard" , sourit Frédéric Monteil, son assistant personnel, qui lui tire souvent la manche. "C'est comme ça, c'est sa nature, il aime les gens." François Hollande aime la Corrèze, cette terre qui l'a transformé en Président, d'ailleurs il y revient dès ce week-end, car c'est ici qu'il se sent bien.

Enfant, il disait à sa mère qu'il voulait devenir Président de la République. Ici, les militants qui l'ont fréquenté parlent d'une grande ambition, que l'on sentait dès le début, même si elle n'était pas clairement affirmée. Et pour arriver à l'Elysée, il semble que passer par la Corrèze soit le bon chemin. "Je ne dirais pas qu'il a fait du Chirac" , corrige Sophie Dessus, vice-présidente socialiste du Conseil Général. "Mais ils ont des points communs. Pas dans les idées politiques mais dans la proximité avec les gens, dans l'amour qu'ils ont envers leurs concitoyens. C'est en cela que l'on peut les rapprocher tous les deux. Dans ce territoire, dans ce terroir, les hommes ont une solidarité, une proximité. François Hollande nous a démontré que ce n'était jamais perdu, jamais fini. Ça aussi dans cette terre difficile, dans cette terre de résistance qu'est la Corrèze, on l'apprend."
Si Bernadette Chirac a fait campagne pour le rival de François Hollande, Jacques Chirac, lui, est resté discret. À cause d'une santé fragile, mais aussi parce qu'il se dit qu'il se sent plus proche du candidat socialiste, formé lui aussi par la Corrèze.

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