Jérôme Cahuzac, du déni aux aveux
Si ce mensonge est
devenu un scandale d'État, c'est aussi à
cause de l'attitude de déni de Jérôme Cahuzac.
Le 4 décembre dernier, le site
d'information Mediapart révèle que le
ministre a détenu jusqu'en 2010 un compte caché à l'Union des banques suisses (UBS). Mediapart s'appuie, entre autres, sur un enregistrement
téléphonique. La riposte de Jérôme Cahuzac est immédiate : il ne se contente pas de nier, il dépose plainte pour diffamation. Lorsqu'il est sommé de s'expliquer à
l'Assemblée, devant la représentation nationale, il ne vacille
pas, faisant preuve d'assurance et
d'aplomb.
Le ministre du Budget
fait aussi le tour des studios radio, des
plateaux télé, et à chaque fois il répond
de manière un peu plus affirmative encore. À voir
un ministre à ce point droit dans ses
bottes, dans certaines rédactions, on en venait à se demander si Mediapart ne s'était pas acharné par
erreur ou ne s'était pas fait manipuler
par quelques sources malveillantes.
Changement de cap, et d'avocat
En privé aussi, Jérôme Cahuzac est parvenu à tromper son monde. Quelques
jours avant que le ministre ne démissionne, l'un de ses intimes racontait à France Info à quel point le socialiste était
ébranlé par ces allégations, qu'il avait été jusqu'à s'effondrer en pleurs dans
ses bras. Autre exemple, celui de Me
Gilles August.
L'avocat de Jérôme Cahuzac se
disait persuadé de l'innocence de son client,
jusqu'à mardi dernier où l'ancien
ministre lui a avoué qu'il était
bien détenteur d'un compte à l'étranger.
Ecoeuré, selon son entourage, Gilles
August aurait alors demandé à l'ancien ministre de se trouver un nouvel
avocat.
Jérôme Cahuzac est aussi parvenu à berner sa famille
politique. Après les toutes premières révélations de Mediapart , le
ministre s'est entretenu avec François Hollande et il lui a juré, les yeux dans les yeux, qu'il disait la vérité. Dans un communiqué rédigé mardi, il a demandé pardon à ses anciens collègues du
gouvernement, au chef de l'État et au Premier ministre.
Le temps de la justice
Jérôme Cahuzac a décidé de livrer la vérité aux juges après
quatre mois de dénégations car la vérité
commençait à se faire jour, grâce aux
investigations de la division nationale
des investigations financieres et fiscales
(DNIFF). Les policiers ont demandé le concours de la justice
suisse et ils auraient retrouvé la trace de deux comptes ouverts en Suisse puis d'un compte encore ouvert à Singapour. Un
compte sur lequel se trouveraient
toujours 600.000 euros, selon les révélations du
Canard enchaîné paru ce mercredi.
Pendant des mois Jérôme Cahuzac a-t-il cru
que le montage financier complexe imaginé par ses conseillers fiscaux ne serait
jamais mis au jour ? A-t-il cru que le secret bancaire en Suisse ne pourrait être trahi ? S'est-il
enferré dans des dénégations auxquelles il aurait fini par croire ?
Les faits sont-ils prescrits?
L'ancien ministre sera
prochainement réentendu, plus longuement, par les deux juges d'instruction.
Sur le plan pénal, il pourrait être
condamné, un jour, pour blanchiment de fraude fiscale (si les faits ne sont pas prescrits car, en la matière, le délai de prescription est de dix ans). Mais
sur le plan moral et politique, les conséquences sont déjà
considérables. L'histoire retiendra qu'un
journal étiqueté à gauche est parvenu à faire tomber le ministre socialiste en
charge de l'évasion fiscale...
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