En Italieencore bien plus qu'en France, les entreprises sont de petites entreprises. 98% ont moins de deux salariés. En Lombardie les PME, très familiales, onttoujours constitué l'essentiel de l'économie. Une économie en récession de 2%l'an passé et qui va encore se contracter cette année."Jerésiste pour ne pas licencier, mais depuis trois ans, je ne remplace plus lesnombreux départs en retraite (un patron italien)L'exemplede la mode est parlant. Depuis un an et demi, des ateliers mettent chaque jourla clef sous la porte dans le secteur de Milan. Donato Vinci, très élégantquinquagénaire, dirige une de ces petites usines avec 22 salariés – usine deprêt-à-porter et chaussures pour homme. Il explique comment son chiffred'affaires et son activité ont chuté en seulement quelques mois. "Mesclients sont pour l'essentiel des Italiens. Comme leur pouvoir d'achat a chuté,ils font des coupes dans leurs dépenses d'habillement. Ca se ressent, c'est durpour moi. Je résiste pour ne pas licencier, mais depuis trois ans, je neremplace plus les nombreux départs en retraite. Il y a cette baisse de lademande mais je dois aussi faire face aux taxes qui se sont terriblement alourdiesavec le gouvernement 'technocrate' de Mario Monti ",commente le patron qui ne cache pas son inquiétude pour l'avenir du secteurtextile italien, pourtant si renommé depuis des décennies.Lors desderniers grands défilés milanais à l'automne, Giorgio Armani lui-même - bienqu'à l'abri pour sa part grâce au très haut de gamme qui séduit les marchéschinois et russes - s'est ému publiquement de cette situation des PME del'habillement.La moitiédu salaire reversé à l'EtatD'autressecteurs comme l'ameublement ou la métallurgie souffrent également. ChezSatinox, petite entreprise qui produit depuis 35 ans des tubes en acier inox àVigano di gaggiano, en banlieue de Milan, le patron Giorgio Licciardello confie qu'ildort très mal ces derniers mois. "Ca a commencé il y a un an avec les clients qui n'arrivaient plus à nouspayer. Ca s'est répercuté sur notre trésorerie rapidement. C'est dur d'autant qu'apparaissentdes fournisseurs chinois concurrents avec des prix très bas. Nous, on a descharges sociales qui ont flambé cette année. 52% de ce que je gagne, je doisle reverser à l'Etat. Et je ne vous parle pas du coût de l'électricité qui aexplosé ". Une colèrenoire contre les banquiersL'autregros problème soulevé par la quasi-totalité des responsables de PME que l'oncroise en Lombardie, ce sont les banques qui ont "fermé le robinet decrédit ". "C'est scandaleux ", explique Giorgio Licciardello, "ces banques ne veulent plus nous prêter alors que depuisdes décennies, c'est nous qui avons fait leur patrimoine. C'est injuste. Ilfaut que je bataille chaque jour sur chaque ligne de crédit avec mon banquier "s'énerve-t-il.En colèrece petit patron vient d'écrire au président du conseil Mario Monti, chef dugouvernement technique aux commandes du pays depuis la fin 2011. "Jevoulais lui dire en somme : oui peut-être que votre cure d'austérité avec100 milliards d'économie a rassuré les marchés, la finance et Bruxelles, maiselle a créé des dégâts irréversibles sur le terrain, dans l'économie réelle ",explique-t-il.Un sacré "pasticcio"L'inquiétudeet l'amertume se manifestent aussi chez les chômeurs et précaires de plus enplus nombreux. Le taux de chômage dans la péninsule est passé de 7 à 11 %depuis 2009. Une expression imagée revient beaucoup dans lesconversations : "On se trouve dans un sacré pasticcio ",disent beaucoup de Lombards. Cela signifie "on se trouve dans une sacréepâte à gâteau ! ".Le secteurdu bâtiment a dû licencier en masse ces derniers mois. Le rythme desconstructions et des restaurations d'immeuble a très sérieusement ralenti. Claudio60 ans, géomètre licencié en décembre parle de sa "galère "depuis son licenciement il y a un an. Pendant 12 mois, il a reçu des indemnités,mais elles se sont arrêtées cette année et il doit attendre sept ans pourtoucher sa retraite."La politique d'austérité me fait enrager. Ilsveulent faire payer aux plus pauvres la mauvaise gestion passée du pays. Ondevient des esclaves. Moi, le chômage m'a brisé. Je n'ai plus de rêve je passemon temps avec mon stylo et mon carnet à compter le moindre euro pour survivre.Quand je passe devant une librairie, si un livre me plait ? Je ne peuxmême pas l'offrir ! ", témoigne Claudio. Même s'il est diplômé ilexplique chercher toutes sortes d'emplois dans l'espoir de trouver desressources. "Je postule même pour des boulots d'homme de ménage, deconcierge, ou pour décharger des camions. Mais on ne me prend plus enconsidération ".Dessyndicalistes qui deviennent assistantes socialesCespersonnes en marge du monde du travail se tourneraient bien vers Pôle emploi.Mais le gouvernement Berlusconi en 2003 asupprimé le service public de l'emploi. Il reste donc les agences d'intérim, etpour les quelques aides, ils doivent s'adresser directement au trésor public. Cequi relève du parcours du combattant.Du coup, cesont les syndicats qui assurent le lien avec les chômeurs. Au bureau milanaisde la CGIL - premier syndicat du pays avec six millions de membres -l'essentiel de l'activité n'est pas de préparer des manifestations, maisd'aider les chômeurs qui affluent et prennent un ticket pour attendre leur tour.Commebeaucoup de salariés de la CGIL, Corrado Mandreoli a quasiment une missiond'assistante sociale. "Ici dans nos bureaux, je vois défiler tous lesjours des situations désespérées. Dans l'histoire du mouvement ouvrier, on a eudes périodes difficiles, mais là, c'est différent, il n'y a aucune perspective.Les relations humaines en souffrent, c'est la guerre entre tous pour le moindrejob. Les cas de dépressions, de recours aux anxiolytiques et de suicides sontde plus en plus nombreux ", raconte-t-il amer.Même despostes à 700 euros mensuels échappent donc à Claudio. Si les seniors sansressources broient du noir. Les jeunes aussi. Chez les moins de 25 ans : ily a en Italie 37% de chômeurs.A défaut detrouver des réponses pratiques avec des emplois qu'ils ne peuvent pas inventer,les responsables de la CGIL mettent en place des groupes de rencontre. Chaquejour, des précaires se réunissent pour parler de leur malaise. "Ilfaut impérativement rapprocher les gens dans cette adversité "conclut-il. Son téléphone se remet à sonner, Corrado reprend sa mission :répondre aux questions, répondre à l'inquiétude des plus précaires.La colèredes petits patrons, la détresse des chômeurs favoriseront-elle le centre gaucheen tête des sondages ? Beaucoup sont tentés aussi de succomber aux sirènesde Beppe Grillo, le Coluche italien, comédien reconverti en politique avec son mouvement"5 étoiles", à gauche toute. Grillo remplit les places publiques etveut créer la surprise.