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Donetsk : l'autre Ukraine

L'Ukraine attend ce jeudi la nomination d'un Premier ministre et d'un gouvernement de transition, alors que Moscou hausse le ton et menace de suspendre son soutien financier. L'ancien président Viktor Ianoukovitch, recherché pour "meurtres de masse" reste introuvable. Il s'est rapproché samedi de son fief natal, Donetsk, avant de prendre une destination inconnue. Donetsk, à 700 km de Kiev : l'autre Ukraine, l'Est russophone du pays, où la destitution de Ianoukovitch est vécue par beaucoup comme un "coup d'état". Le reportage de Mathilde Lemaire
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Comment la ville industrielle de Donetsk, à une cinquantaine de
kilomètres de la frontière russe, vit-elle les bouleversements du pays, la
Révolution sanglante menée ces derniers jours à Kiev et la fuite de l'enfant de
cette région, l'ancien président Ianoukovitch ?

Nous sommes là à 700 km de
la capitale ukrainienne, dans une ville de près d'un million d'habitants, deux
fois plus sur l'ensemble de l'agglomération. Une centaine d'habitants, à peine, a manifesté son soutien aux occupants de Maïdan. Le calme de Donetsk donne l'impression
d'une autre Ukraine. La ville, entourée de mines de charbon et de terrils, a sa
place Lénine et depuis trois jours, la statue y est protégée par une poignée d'habitants.
Sous le vent glacial, ils se relaient jour et nuit, par crainte de voir le
monument tomber : au moins 40 statues de Lénine ont été déboulonnées ou
renversées ces derniers jours dans le pays. Pour Vassili, opérateur
téléphonique et membre du Parti communiste, il s'agit de protéger l'histoire de
l'Ukraine.

"Protéger la statue de Lénine, c'est protéger 100 ans
de notre histoire : la Russie, la Biélorussie et l'Ukraine, c'est un tout.
S'il le faut, je prendrai les armes pour défendre ma région, contre ces fascistes
de manifestants qui sèment le trouble."

Un drapeau russe et celui de la région flottent au dessus d'une
tente rouge, Oleg y accueille les inscriptions des protecteurs de la place
Lénine et du pays.

"On a déjà des centaines d'inscriptions, les noms, les
numéros de téléphone, on pourra les appeler si ceux qui saccagent notre pays
viennent nous menacer, il faut se préparer."

A Donetsk, il faut choisir ces mots  pour évoquer les évènements de Kiev. Il n'est
pas question de prononcer le mot de "destitution " pour parler de l'ancien
président. Comme  Viktor Ianoukovitch,
Olga est née à 50 km de Donetsk, à Ienakievo. Elle espère son retour.

Ianoukovitch est toujours en Ukraine, il est le
seul à être légitime et il sera réélu aux prochaines élections. Il va tous les
balayer, surtout cette Ioulia Timochenko qui a volé le peuple quand elle était
Premier ministre.

Les réactions contrastent avec les slogans de Maïdan et la
volonté entendue à Kiev d'un rapprochement européen. Katerina amène du thé
chaud aux manifestants de la place Lénine, elle évoque ce qu'elle appelle "la
propagande européenne
".

Nous ne sommes pas de votre culture à vous, les Français,
les Allemands et les autres. Je lis les médias ukrainiens pro-européens, ils ne
disent pas la vérité. A propos de Maïdan, ils se trompent de héros. Les héros,
ce sont les policiers qui ont versé leur sang.

Aux côtés de Katerina, Dimitri, un mineur de 41 ans, réfute
aussi le modèle européen, en prenant sa vie professionnelle comme exemple.

Moi, j'extrais du charbon toute la journée, mais grâce
aux lois de notre pays, je prendrai ma retraite avant 45 ans. Chez vous, il
faut travailler jusqu'à plus de 60 ans, on ne veut pas s'aligner sur ces
manières de faire.

Rien n'est simple en Ukraine, où Kiev appelle l'Europe à l'aide
et où Donetsk regarde vers Moscou. Les deux grandes villes du pays attendent ce mardi la nomination d'une nouvelle équipe dirigeante, mais sans les mêmes espérances.

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