Crimes sexuels sur enfants : faut-il abolir la prescription ?
Le cas de Cécile est loin d'être isolé. Après 32 ans d'amnésie, elle s'est soudain rappelée d'avoir été abusée à l'âge de cinq ans, lors d'une séance d'hypnose. Mais les faits sont prescrits, car aujourd'hui la prescription pour ces crimes est fixé à 20 ans à partir de la majorité de la victime.
Après la diffusion du témoignage de Cécile sur France Info, Delphine Gotchaux a reçu plusieurs courriels de femmes
qui disent avoir vécu la même "amnésie traumatique", nom donné par
les psychiatres à ce phénomène.
Dans l'un des mails, Anne raconte que "c'était comme si d'un seul coup
des morceaux d'images qui avaient hanté ses nuits reformaient la scène,
l'insoutenable ".
Pour éloigner de lui ce qu'il ne peut
comprendre, l'enfant victime d'abus sexuels
met parfois un couvercle sur ces
souvenirs indicibles. Cela
peut durer 10 ans, 20 ans, 30 ans, peut-être plus... jusqu'à ce qu'un
évènement -souvent totalement étranger aux faits- ne fasse ressurgir, comme une
déflagration, les images de ces abus.
"L'amnésie, c'est comme un coup de gomme"
Pascal Pignon, lui, a mis une décennie à commencer à mettre des mots sur
l'inceste qu'il a subi de la part de l'un de ses frères. Cet ancien éducateur
spécialisé aujourd'hui psychanalyste a d'abord été dans le déni puis dans une
forme d'autodestruction.
"C'est un
mécanisme de protection, de survie , explique-t-il. L'amnésie pour moi, c'est
comme un coup de gomme. Il faut tout faire pour que les choses ne reviennent
pas. Je me suis mis en danger , poursuit cet homme de 57 ans, à un moment je me
suis défoncé à l'acide, j'allais vers la mort ; ça me permettait totalement
d'oublier ".
Abolir le délai de prescription ?
Aujourd'hui en France, seuls le génocide et les
crimes contre l'humanité sont imprescribtibles. Certaines associations de défense
des victimes de viols demandent à ce que ce soit la même chose pour les crimes
sexuels sur mineurs. Pour Eric Morain,
avocat pénaliste, ce n'est pas forcément
une bonne idée "parce qu'il ne faut pas oublier ,
dit-il, que la justice doit juger des auteurs et que des années après, il y a un
risque d'anachronisme de venir juger des hommes qui ne sont plus comme ils
étaient auparavant ".
Pour
certains, ce droit à l'oubli protège d'abord les criminels. Il faut sans doute que le législateur évolue
encore, estime Yves Charpenel, avocat
général à la Cour de cassation et président de la fondation Scelles qui combat
l'exploitation sexuelle :
C'est le cas
aux Etats-Unis par exemple ou en Grande-Bretagne.
Pour faire valoir sa requête, l'avocat de Cécile s'est appuyé sur la
jurisprudence de la Cour de cassation.
Elle stipule que pour certaines infractions, comme l'abus de bien social,
le délai de prescription ne commence qu'au moment de la découverte des faits,
pas de leurs commissions.
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