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Bizutage : un mal silencieux

Plusieurs affaires ont défrayé la chronique ces derniers mois : viol présumé chez les pompiers de Paris, condamnation d'un jeune militaire pour désertion et en fin d'année dernière, exclusion de quatre étudiants à l'Université Paris Dauphine. La preuve que le bizutage n'a pas disparu... et qu'il reste compliqué de le dénoncer.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Le bizutage est un délit,
puni de 6 mois de prison
et 7.500 euros d'amende. La loi existe depuis 14 ans mais le poids des
traditions, des institutions, le poids de la honte aussi font que les
victimes
se taisent souvent. Quant aux profs qui dénoncent ces pratiques, ils
sont
souvent seuls dans leur combat.

Cet enseignant (qui préfère rester
anonyme) raconte qu'en
2004, dans l'établissement privé prestigieux où il enseigne, le bizutage
de
rentrée ne se passe pas très bien. Des étudiantes sont contraintes de
lécher un
poster porno ou le torse d'un garçon de leur promo, d'autres craquent,
pleurent
et dénoncent la pression psychologique des bizuteurs. L'enseignant
alerte sa
direction qui fait la sourde oreille. Il insiste et comme il ne se passe
rien,
finit par porter plainte. Résultat : la directrice obtient sa
mutation.

"La direction ne voulait pas
que ça
s'ébruite" - Un enseignant

"Je voulais juste changer les
pratiques
", dit-il, "mais on
m'a demandé : c'est quoi votre problème ? La direction ne voulait pas
que ça
s'ébruite. On m'a aussi dit que c'était moins pire qu'il y a quinze ans
."
La
plainte de l'enseignant a été classée sans suite mais son combat n'aura
pas été
vain : dans son ancien établissement le bizutage est désormais
formellement
interdit.

Malgré tout, les établissements qui
prennent d'eux-mêmes les
devants contre le bizutage sont de plus en plus nombreux. De plus en
plus
d'universités, d'écoles de commerce ou d'ingénieurs ont des chartes de
bonnes
pratiques qui limitent par exemple les quantités d'alcool ou qui
imposent la
présence d'équipes médicales dans les soirées. En septembre dernier, le
groupe
IGS (8 écoles, plus de 12.000 étudiants entre Paris, Lyon et Toulouse) a

carrément supprimé les week-ends d'intégration, remplacés par des
séminaires
plus institutionnels, pour ne plus pénaliser la minorité qui les
vivaient mal.

"Nos étudiants avaient
l'impression qu'on les privait de leur rite de passage dans le supérieur
"

Sauf que supprimer ce rite de passage
quasi initiatique a
été très difficile à faire accepter, "*parce que nos étudiants avaient

l'impression qu'on les privait de leur rite de passage dans le supérieur* ",

explique Thierry Teboul, le directeur régional en Ile de France. "*Il a
fallu
faire oeuvre de pédagogie et leur expliquer, tout au long de l'année.
Mais si
l'on veut former des gens éclairés, ils doivent comprendre qu'il y a des

limites. Mais ça prendra du temps* ".

Ca prendra du temps... Pour s'en
convaincre il suffit
d'écouter Raphaël, élève de 4e année en école de commerce à Paris : "*Moi
j'ai
adoré mon week-end d'intégration, ça forge un esprit de corps ! Bien sûr

certains ont trop bu, mais est-ce que ça m'a gêné ? Pas vraiment...* "

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