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Alstom : surtout ne pas être un Arcelor bis

Officiellement et à ce stade, Alstom a choisi General Electric. Le conseil d'administration du groupe s'est prononcé en sa faveur mardi soir. Mais l'entreprise ne ferme pas la porte à Siemens puisqu'une période d'observation s'ouvre pour un mois. Période pendant laquelle le gouvernement espère que les deux repreneurs potentiels de ce fleuron de l'industrie française (il ne peut pas y en avoir d'autres) vont améliorer leur offre. Mais cela ne suffit pas à rassurer les salariés d'Alstom à Belfort.
Article rédigé par franceinfo
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Il ne s'agit que d'un sursis et les 3000 salariés d'Alstom Belfort
ne savent pas davantage à quelle sauce ils vont être mangés. Alstom ici, c'est
une institution. Quand on arrive en ville, on aperçoit la première locomotive
orange de TGV, installée sur le bord de l'autoroute. C'est une fierté locale.
Elle a été fabriquée ici, dans ce qu'il reste des splendides bâtiments blancs
et roses. L'ancêtre du groupe s'est installé ici il y a 135 ans.

Alstom fait partie de
l'ADN de la ville 

C'est ce que rappelle Florence, une ingénieure de la branche énergie, celle qui
est justement convoitée aujourd'hui par General Electric : 

"Le sentiment des salariés en règle général est un sentiment d'écœurement.
Alstom à Belfort, c'est comme Michelin à Clermont-Ferrand ou Peugeot à Sochaux.
Il y a beaucoup de personnes qui travaillent à Alstom de père en fils depuis
des générations et aujourd'hui, ça va s'arrêter."

  Mais l'affectif ne fait pas oublier l'essentiel : il faut sauver le soldat
Alstom. Et malheureusement des exemples récents de fleurons français de
l'industrie passés sous bannière étrangère laissent craindre le pire. Alain Ogor est le délégué CFDT d'Alstom Belfort :

"On a l'histoire maintenant : ces grands groupes internationaux qui font
beaucoup de garanties quand ils mettent la main sur une entité nationale
française du type on va investir en France, en va conserver l'emploi. On voit
comment ça se termine. On ne veut pas être un Arcelor bis"

Les salariés, pour l'instant, peu mobilisés. A peine voit-on des membres de la CGT distribuer des tracts
devant les tourniquets à l'entrée du site. Le syndicat y demande une
nationalisation partielle de l'entreprise. Mais personne n'y croit vraiment. On
n'est plus en 2004, quand Nicolas Sarkozy alors ministre de l'économie venait
sauver Alstom, l'état rachetant 20% du capital, évitant ainsi le rachat par
Siemens, déjà à l'époque. Mais 10 ans ont donc passé depuis. Et les salariés
semblent presque résignés désormais.

"Siemens est tout de même un concurrent direct"

Sylvain travaille ici depuis 20 ans. Et lui a déjà choisi son camp :

"J'ai une préférence pour les Américains plus que pour les Allemands. Siemens est
tout de même un concurrent direct et même s'ils donnent des garanties sur trois
ans, on craint qu'à terme, ils choisissent leurs structures par rapport aux
nôtres."

  Alstom et General Electric, les deux entreprises sont installées face à face
physiquement. Depuis 1999 le rachat par l'américain de l'activité des 
turbines à gaz du français. Entre salariés, on se connaît, on partage la même
cantine, le même comité d'entreprise....le même lit parfois, il y a beaucoup de
couples mixtes Alstom/GE.

Mais la culture d'entreprise est très différente. D'ailleurs, les salariés de
GE ont interdiction formelle de parler à la presse.

"GE, c'est vraiment la multinationale américaine"

Fabrice Fontana lui est protégé par son statut de délégué syndical de GE
Belfort : "Je suis moi-même un ancien d'Alstom. Effectivement il y a une différence
de culture d'entreprise, c'est indéniable. GE, c'est vraiment la multinationale
américaine avec une certaine pression qui est mise sur les salariés et la
compétition qui est installée entre les salariés. Il y a une différence
culturelle."

  Et le délégué syndical de General Electric a une question qui tourne en boucle
dans sa tête en ce moment : comment GE peut à la fois supprimer des postes,
près de deux cents sur le site belfortain en deux ans, preuve que l'activité ne
va pas si bien, et en même temps convoiter la branche énergie d'Alstom au point
de vouloir débourser dix milliards d'euros pour l'acquérir, un paradoxe que
beaucoup relèvent chez Alstom comme chez General Electric et qui n'aide pas à
attendre la décision de l'entreprise française dans la sérénité.

 

 

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