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Russie : Alexeï Navalny, l'opposant numéro 1, oscarisé... mais toujours en prison

L'Oscar 2023 du meilleur documentaire est décerné à "Navalny", du Canadien Daniel Roher, consacré à l'empoisonnement de l'opposant russe, en 2020, et à son combat contre Vladimir Poutine. Loin d'Hollywood, Alexeï Navalny est au fond d'une prison depuis plus de deux ans.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'opposant russe Alexeï Navalny apparaît sur un écran, dans une salle d'audience de Moscou (Russie), le 24 mai 2022. (ALEXANDER NEMENOV / AFP)

Physiquement, Alexeï Navalny est très éprouvé, amaigri. Il n'a eu aucune visite depuis huit mois. Depuis qu'il est en détention (janvier 2021), il a été placé une dizaine de fois à l'isolement. Pour des motifs souvent futiles : soit parce qu'un bouton de sa chemise était ouvert, soit parce qu'il avait fait sa toilette "à 5h24", soit 36 minutes avant 6h, l’heure réglementaire. C'était le 31 décembre. 

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La situation lui avait inspiré cette remarque pleine d'ironie, passée à l'un de ses avocats puis publiée sur les réseaux sociaux : "Des gens payent pour passer un Nouvel An original. Pour moi, c’était gratuit".

Une réplique de sa cellule est d'ailleurs installée à partir de mardi 14 mars à Paris, près du Louvre, après avoir été exposée un mois à Berlin. C'est une sorte de caisson de 2,50m sur 3m, lavabo rouillé, toilettes à la turque et couchette qui se transforme en table. Avec des extraits du règlement diffusés à intervalles réguliers par haut-parleur.

L’homme dont le président russe refuse de prononcer le nom a droit semble-t-il à un traitement très particulier. En janvier, Alexeï Navalny, qui a 46 ans, est tombé malade d'une mauvaise grippe. Il n'a pas été correctement soigné. Au point que l'on s'est mis à craindre pour sa vie : 500 médecins russes ont même signé une pétition demandant à Vladimir Poutine de mettre un terme à ces mauvais traitements. Ses soutiens dénoncent une volonté de le tuer à petit feu, sans pour autant enfreindre la loi.

Acharnement judiciaire

Sur le plan judiciaire, il est victime du même acharnement. Pour l'instant, il purge une peine de neuf ans pour fraude et escroquerie, verdict largement vu en Russie comme une vengeance personnelle du maître du Kremlin.

Mais en octobre, il a annoncé être visé par de nouvelles charges, notamment du financement d'activités terroristes, infraction passible de 30 ans de prison. Ça ne l'empêche pas de continuer à se battre. En général, il profite de ses audiences pour lancer des messages politiques et dénoncer la corruption des élites.

"Pendant qu'à un bout de la planète, Alexei Navalny est le favori pour les Oscars, à l'autre bout, il participe à des audiences avec les juges de Poutine. Aujourd'hui, il y en a trois : un procès pour fréquentation inappropriée, un nouveau procès et un procès pour transfert de lettres" dit ce compte de "L'équipe Navalny".

Répression de l'opposition

Alexeï Navalny fait tout pour continuer à exister, comme militant et comme représentant de l'opposition, mais le rouleau compresseur du pouvoir est plus fort... Sa fondation anti-corruption a été classée "organisation extrémiste" ; tous ses membres sont aujourd'hui soit en prison, soit en exil, ou alors ils se cachent. Aux yeux d'une société russe largement dépolitisée, elle n'existe plus, tout simplement.

L'opposition, plus largement, fait l'objet d'une répression accrue depuis l'invasion de l'Ukraine. Des lois récentes prévoient de longues peines d’emprisonnement pour diverses formes de « délits », comme le fait de qualifier le conflit armé en Ukraine de "guerre", de critiquer l’invasion ou la conduite des forces armées russes, et de rendre compte des crimes de guerre.

Et il est peu probable que l'Oscar change quoi que ce soit. La récompense du documentaire est à peine évoquée dans la presse moscovite. Pas un mot non plus sur les paroles de sa femme, Ioulia, venue récupérer le prix à sa place, de la présence de ses enfants et du discours du réalisateur Daniel Roher. Comme le souligne l'hebdomadaire Courrier International, seul le grand quotidien économique Kommersant se hasarde à publier une photo, sans faire de commentaire sur le sujet. La liste des condamnations en justice d’Alexeï Navalny y figure en bonne place à côté d’une courte présentation du film.

Un autre opposant de longue date, Vladimir Kara-Mourza (qui a lui aussi failli mourir après avoir été empoisonné en 2015 et 2017), est d'ailleurs jugé cette semaine pour haute trahison. Il avait simplement critiqué les autorités dans des interventions publiques à l'étranger. Pour cela, il risque 25 ans de prison. Aucune voix ne se résonne assez fort aujourd'hui pour représenter une alternative, ni en Russie ni à l'extérieur du pays.

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