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Guerre en Ukraine : l’Allemagne change de paradigme militaire face à l’invasion russe

L'invasion russe en Ukraine bouleverse l'ordre mondial et crée une véritable révolution en Allemagne. En quelques jours seulement, Berlin a remis en cause tous ses fondamentaux en matière de politique étrangère et de défense. C'est un revirement historique.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le chancelier allemand Olaf Scholz lors d'une session extraordinaire du Bundestag à Berlin (Allemagne), le 27 février 2022. (ODD ANDERSEN / AFP)

C'est une remise à plat totale des principes que l'Allemagne suivait depuis la Seconde Guerre mondiale. Son pacifisme et sa quasi neutralité militaire, pilier de sa diplomatie depuis les atrocités commises par les nazis, vole complètement en éclat. Parce que Poutine menace la paix en Europe en faisant pleuvoir les bombes sur l'Ukraine et Kiev, à moins de 1 500 kilomètres de Berlin, ce pays viscéralement attaché à la stabilité et à la prudence opère un changement de cap radical, avant même la décision commune des Européens de fournir des armes à l'Ukraine.

Première surprise, samedi 26 février, quand Berlin accepte de livrer des armes à l'Ukraine, ce qu'il s'était toujours interdit en zone de conflit. Dimanche, autre coup d'accélérateur : le chancelier promet 100 milliards d'euros tout de suite, pour moderniser l'armée. Deux fois plus que ce qui était prévu. Depuis la réunification en 1990, ses effectifs sont passés de 500 000 à 200 000 hommes, son matériel est vétuste : de l'aveu même du chef d'état-major de l'armée de terre, la Bundeswehr est aujourd'hui incapable d'assurer la défense du pays.

Olaf Sholz, jusqu'ici dirigeant plutôt terne et insipide se mue en général en chef, au point d'annoncer que l'Allemagne investira désormais chaque année plus de 2% de son produit intérieur brut dans la défense, au-delà de l'objectif que se sont fixés les pays de l'Otan et qu'ils rechignaient à suivre. Pour cela, le traditionnel champion de la rigueur budgétaire va même augmenter son endettement.

Un changement de pied sur l'énergie

L'Allemagne fait également un autre "reset", une autre mise à jour en matière diplomatique. Un temps jugée trop conciliant avec Moscou, Berlin a fini par suspendre l'autorisation du gazoduc Nord Stream 2 cher à Vladimir Poutine, avant de soutenir l'exclusion de banques russes de la plateforme Swift, ce rouage essentiel de la finance mondiale. Jusqu'ici, l'Allemagne ne bougeait pas une oreille, de peur d'être pénalisée en retour et de voir se réduire ses livraisons de gaz, de pétrole ou de charbon russes, dont elle est fortement dépendante.

La nouvelle coalition au pouvoir a permis tous ces changements. Ce qui est d'autant plus spectaculaire c'est que cette coalition dirigée par les sociaux-démocrates n'avait génétiquement aucune raison de pousser tous ces changements : d'abord, elle est imprégnée d'un fort courant de sympathie prorusse ; elle inclut des Verts, longtemps anti-militaristes, et des libéraux très à cheval sur les comptes publics. Donc rien, si ce n'est les événements, ne la destinait à prendre un tel virage.

Le changement est tel que les Allemands envisagent même la possibilité d'allonger la durée de vie de leurs centrales à charbon et de leurs centrales nucléaires pour réduire leur dépendance au gaz russe et sécuriser leur approvisionnement énergétique. Les écologistes n'y sont pas opposés et c'est un autre tabou qui saute.

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