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En Thaïlande, la contestation de la jeunesse monte d'un cran

Dans le pays, les manifestants pro-démocratie, majoritairement étudiants, sont de plus en plus nombreux à manifester. Le pouvoir, lui, serre la vis.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
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Des milliers de manifestants pro-démocratie à Bangkok, le 15 octobre 2020. (LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP)

Depuis le mois de juillet, Bangkok est devenue la capitale d'un royaume sous haute tension politique. Les manifestants, en majorité étudiants, toujours plus nombreux et déterminés, réclament plus de démocratie. Les arrestations, elles, se multiplient.

"A bas la dictature!"

Mercredi 14 octobre, 10 000 habitants marchent vers "la Maison du gouvernement". Jeudi, 15 octobre, malgré l'interdiction de manifester, ils sont 3 à 5 000 sur le grand carrefour de Ratchaprasong, lieu emblématique de la contestation : la police est prise de court. Les arrestations sont parfois violentes. les manifestants scandent "Libérez nos amis", "A bas la dictature !

Leur signe de ralliement c'est le salut à trois doigts, bras tendu bien en l'air, avec seulement le pouce et le petit doigt repliés sur la paume de la main.

Ce salut apparaît en 2014, comme signe de défiance envers les militaires qui viennent de s'emparer du pouvoir à la faveur d'un coup d'État, et qui répriment la liberté d'expression. 

Les manifestants réclament d'abord la démission du Premier ministre Prayut Chan-o-cha, un général reconduit à son poste en 2019 à la faveur d'élections assez peu transparentes.

Ils demandent aussi une modification de la Constitution, très favorable à l'armée.

Réforme de la monarchie

Surtout, pour la première fois dans l'histoire du pays, les manifestants réclament une réforme de la monarchie. Or en Thaïlande, la royauté a toujours été un sujet tabou. Critiquer ou insulter le roi, notamment sur les réseaux sociaux, peut conduire en prison pour quinze ans. La loi de lèse-majesté y est l'une des plus sévères au monde.

La Thaïlande est habituée aux manifestations violentes: depuis la fin de la monarchie absolue, en 1932, le pays a connu 12 coups d'État conduits par des généraux soucieux de préserver leurs privilèges.

Mais la remise en cause de la monarchie est une contestation sans précédent. Mercredi, les manifestants ont même gêné physiquement le cortège du roi et de la reine en faisant le geste des trois doigts au passage de leur voiture. Or quand les membres de la famille royale passent, il faut normalement tout arrêter et se mettre à genou.

Le long du trajet, plusieurs milliers de partisans pro-royalistes, vêtus de jaune, la couleur du roi, s'étaient eux aussi rassemblés, pour saluer et soutenir le monarque. Des échauffourées ont eu lieu entre les deux camps.

Un décret d'urgence

En réaction à ces manifestations, le pouvoir serre la vis. Il a publié le 15 octobre un décret qui interdit tout rassemblement politique de plus de quatre personnes. Les manifestations sont jugées "contraires à la Constitution". Les "messages en ligne pouvant nuire à la sécurité nationale" sont également interdits.

L'armée s'est déployée autour de quelques bâtiments gouvernementaux, et les principaux leaders du mouvement ont été arrêtés. La lutte contre le coronavirus a aussi servi de prétexte à des mesures exceptionnelles destinées à faire taire les voix dissidentes. Le gouvernement peut par exemple "censurer ou fermer" des médias accusés de propager de fausses informations sur l'épidémie.

Un roi absent

Le roi, Maha Vajiralongkorn, de son nom de règne Rama X, n'a pas encore réagi. Il faut dire qu'il montre assez peu d'intérêt pour les affaires publiques. Il est plus connu pour ses mariages ratés, ses colères homériques et son train de vie dissolu, passant la majorité de son temps en Allemagne dans un hôtel de luxe en Bavière, même pendant la pandémie de Covid-19.

Une attitude qui commence à agacer le gouvernement : Berlin a très officiellement averti la Thaïlande que le roi devait "arrêter de mener des affaires d'État depuis le sol allemand".

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