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En Suède, la peur de la Russie revient, la population se prépare au pire

La Suède va convoquer des représentants russes après la violation de son espace aérien par quatre avions de combat mercredi. Incursion jugée "complètement inacceptable" dans le contexte actuel. Stockholm se montre de plus en plus nerveux face à une possible agression de la part des Russes.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des manifestants brandissent des drapeaux ukrainiens et des bannières anti-guerre lors d'une manifestation pour protester contre l'invasion russe en Ukraine, dans le centre de Stockholm, en Suède, le 1er mars 2022. (FREDRIK SANDBERG / TT NYHETSBYR?N)

En Suède, la peur de la Russie et de ses guerres expansionnistes est ancrée dans l'histoire du pays. Une expression est même entrée dans le langage courant : "Les Russes arrivent !". Avant même le déclenchement de la guerre, 59% des Suédois disaient craindre la Russie en tant que grande puissance, beaucoup plus que des États-Unis. Certes les Suédois n'ont pas connu la guerre sur leur territoire depuis plus de 200 ans, mais l'inquiétude est palpable. Et se préparer au pire est dans la culture locale.
La Suède, comme la Finlande, ne fait pas partie de l'Otan ; les deux pays sont militairement «non-alignés». Mais en quelques jours, l'entrée en guerre de moscou les a fait basculer dans une nouvelle ère. Stockholm a rompu avec sa doctrine en livrant 5.000 lance-roquettes antichar à l'Ukraine.

La dernière fois que le pays avait envoyé du matériel de guerre c'était en 1939 à la Finlande alors attaquée par l'union soviétique.
Pour l’heure le deux capitales nordiques ont écarté l'idée d’une demande d’adhésion en urgence à l’OTAN, mais jamais elles n’ont été aussi près de franchir le pas.

Matériel de survie : les ventes explosent

Cette peur de la Russie qui revient en force se voit par exemple dans les magasins d'alimentation et de bricolage. Les ventes explosent pour à peu près tout ce qui est nécessaire en situation de crise : cuisines de camping, bidons d'eau et d'huile, appareils qui font à la fois radio et lampe de poche alimentés par des dynamo ou des cellules solaires...
Tous ces objets figurent d'ailleurs dans une brochure de plusieurs pages distribué il y a 4 ans à l'ensemble des foyers du royaume, et qui donne tout un tas de conseils pour s’en sortir seul, sans aucune aide extérieure pendant au moins sept jours.

Le gouvernement avait pris cette initiative en raison des tensions provoquées par les activités militaires russes en mer Baltique, activités qui s'étaient intensifiées après l’annexion de la Crimée. Le site de l’agence de la protection civile (MSB) a vu sa fréquentation augmenter de plus de 4000% en quelques jours.

Les Suédois se ruent aussi dans les pharmacies pour acheter des comprimés d’iode,  recommandés en cas d’accident nucléaire pour protéger la thyroïde de la radioactivité (le gouvernement en avait distribué en grande quantité après la catastrophe de Tchernobyl). Les banques constatent une augmentation des retraits d’argent liquide, les stations-services une hausse de leur fréquentation.

Beaucoup d'habitants se renseignent aussi auprès du MSB sur l’abri le plus proche qui pourrait les accueillir en cas de conflit (il y en a plus 60 000 dans tout le pays). L’un des plus grands au monde est d’ailleurs situé dans le de Stockholm. 

L'Agence publique pour la protection civile s'est sentie obligée de rappeler que la Suède n’était “pas confrontée à une menace immédiate" mais l'anxiété gagne même la Bourse de Stockholm, qui a chuté de près de 7 % depuis le début de la guerre. Le pire mois depuis 20 ans.

Regain de la fibre patriotique

De plus en plus de Suédois, y compris des responsables politiques, annoncent qu’ils ont rejoint les troupes de réserve ou qu'ils vont le faire. La "garde territoriale" se compose de civils, chargés d’assister l’armée en cas de catastrophe. Vingt et un mille hommes et femmes y sont inscrits, ont suivi des formations et participent régulièrement à des exercices.

Depuis quelques jours, les inscriptions ont explosé. Selon l’état-major des forces armées, rien qu'en janvier 2022, près de 1000 personnes ont fait la démarche, c'est 150 % de plus qu'en janvier 2021. Cela fait sens pour un pays de seukement 10,5 millions d’habitants qui partage une frontière maritime avec la base navale de Kaliningrad, à moins de 300 km à vol d'oiseau entre les côtes suédoises. Et cela alors même que le service militaire supprimé en 2010 venait d'être rétabli en 2018.

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