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En Italie, la préfète malhonnête piégée par celle qu'elle voulait corrompre

C'est une histoire ordinaire de la corruption qui sévit en Italie. Depuis le 2 janvier 2020, Paola Galeone, préfète de Cosenza, est assignée à résidence et suspendue de ses fonctions : elle est accusée d'avoir touché un pot-de-vin de 700 euros. Piégée par celle qu'elle a voulu corrompre.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
La préfecture de Cosenza, en Calabre (Italie). (CAPTURE D’ÉCRAN GOOGLE MAPS)

Haute fonctionnaire d'État depuis plus de trente ans en Italie, Paola Galeone est préfète de Cosenza, en Calabre. Jeudi dernier, le 2 janvier 2020, elle est interpellée, puis assignée à résidence, et suspendue de ses fonctions. Accusée d'avoir voulu toucher un pot-de-vin de 700 euros.

Voici comment l'histoire commence : en décembre, Paola Galéone réalise que son enveloppe de représentation, allouée pour 2019, n'a pas été totalement dépensée. Il lui reste 1 200 euros. Pourquoi les rendre ? Elle contacte une femme avec laquelle a déjà travaillé, Cinzia Falcone, 46 ans, présidente d'une association de défense des droits des femmes et responsable d’un centre d’accueil pour migrants.

Dans son bureau, elle lui demande de faire une fausse facture de 1 200 euros, à se partager bien sûr : 700 euros pour la préfète, 500 euros pour la chef d'entreprise. Sauf que le plan ne se passe pas exactement comme prévu : Cinzia Falcone réalise assez vite que cette proposition n'est pas tout à fait légale.

Enregistreur audio et caméras cachées

Elle contacte la police, qui l'équipe d'un enregistreur audio et cache des caméras dans le café où doit avoir lieu la remise du dessous de table. Le jour J, tout est enregistré et filmé. À sa sortie, la préfète est interpellée, son enveloppe (de faux billets photocopiés) entre les mains. Elle a été convoquée devant un juge mardi 7 janvier 2020.

La chef d'entreprise qui a fait tomber la fonctionnaire véreuse raconte que sa réaction est en partie liée à une "interview" donnée par le procureur de Calabre à un média local. Depuis des années, Nicola Gratteri dénonce sans relâche la corruption et la mafia calabraise, la 'ndrangheta. Il exhorte les Italiens à se rebeller.

"Passer des paroles aux actes n'est pas facile", dit-elle, "surtout quand on est devant un préfet de la République. (...) J’ai choisi de rester du côté de l’État". Les marques de soutien affluent de tout le pays : "Grâce à elle, comme à beaucoup d’autres, il y a encore un peu d’espoir pour ce triste pays. On peut encore sauver quelque chose" dit l'un d'entre eux. Cinzia Falcone reçoit même des messages de Calabrais exilés aux États-Unis et en Australie. Cinzia Falcone dit avoir "peur des représailles... Mais si c'était à refaire, je le referai".

Une corruption enracinée

Vingt-cinq ans après l'opération "Mani pulite" (Mains propres), la corruption gangrène toujours l'économie : c'est un phénomène enraciné et persistant, qui se chiffre en dizaines de milliards d'euros. Selon Transparency International, qui publie chaque année un indice de perception de la corruption, l'Italie est l'un des pays les moins bien classés d'Europe.

Il y a moins d'affaires retentissantes, le financement des grands partis politique a été remplacé par l'enrichissement personnel. Des arrestations comme celle de la préfète Galeone interviennent chaque semaine dans le pays.

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