En Belgique, le "pipigate" qui fragilise le ministre de la Justice

C’est une soirée arrosée qui se transforme en cauchemar politique. Après l'incident de sa fête d'anniversaire le 14 août 2023, qui a enflammé le pays, le ministre Vincent Van Quickenborn a encore la gueule de bois.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
En Belgique, le "pipigate" fragilise le ministre de la justice Vincent Van Quickenborne (DIRK WAEM / MAXPPP)

C'est à la fois très drôle et, il faut le dire, un peu consternant. Le 14 août 2023, à Courtrai, Vincent Van Quickenborn, dit "Quickie", fête ses 50 ans. Les invités sont en blanc, on parle fort et on boit de la bière. Au cours de la nuit, à trois reprises, des silhouettes chancelantes – qui visiblement n'ont pas trouvé le chemin des toilettes – sortent se soulager contre le fourgon de police stationné juste devant chez lui. Le véhicule sert à sa protection personnelle : l'an dernier Quickie a failli être enlevé par des trafiquants de drogue. Cette nuit-là, le véhicule est vide. Les invités s'amusent même à y monter et à en descendre en riant.

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Le problème, c'est qu'il y a des caméras de surveillance. Vers 4 heures du matin c'est le ministre de la Justice lui-même qui, en raccompagnant un ami, fait semblant d'uriner comme ses copains l'ont fait un peu plus tôt.

Enfin à ce stade les choses ne sont pas très claires : on voit Vincent Van Quickenborn se pencher en arrière, il fait des gestes un peu désordonnés, son attitude reste sujette à interprétation. Sauf pour les policiers, furieux de voir leur ministre et son entourage leur manquer de respect. C'est la goutte de pipi qui fait déborder le pot de chambre ! En quelques jours, l'incident, révélé par la télévision flamande VRT, devient un ouragan politique.

Le ministre s'excuse

Et le ministre doit se justifier. Au début, il nie avoir eu connaissance de l'incivilité de ses invités. Mais l'affaire prend telles proportions qu'il est contraint de sortir et de commenter ses propres images de vidéosurveillance (des caméras qui filment les abords de son domicile) ce qui déjà est un peu gênant.

Mais en plus, ce jeudi 7 septembre 2023, il est convoqué devant la commission de la Justice du parlement, où il tente d'apaiser les choses. "Je ne suis pas fier, dit-il. Je voudrais m'excuser auprès de tous les policiers du pays". Ce qui ne l'empêche pas de maintenir sa version des faits. Oui il était un peu pompette ce soir-là, reconnaît-il, mais il ne faisait pas semblant d'uriner ! Il jouait "de l'air guitar". "Je joue de la guitare sèche, c'est peut-être un mouvement de guitare". Conclusion du quotidien néerlandophone Nieuwsbald : "C'était la commission parlementaire la plus absurde de tous les temps".

Des relations déjà tendues avec les policiers

En toile de fond de cette histoire, il y a les relations tendues depuis plusieurs mois entre le ministre et les policiers. Le mois dernier, le syndicat NSPV jugeait Vincent Van Quickenborne "indigne d'être ministre de la Justice". L'intéressé persiste à croire que cette polémique du pipigate a été montée de toutes pièces parce qu'il veut mettre un terme au régime de retraite spécial des policiers, qui partent aujourd'hui à 58 ans.

L'histoire en tout cas n'est pas terminée : l'opposition continue de réclamer sa démission. Christoph D’Haese (N-VA) estime que le ministre, qui est aussi le bourgmestre (l'équivalent de nos maires) de Courtrai, est loin d'être exemplaire sur la coopération cruciale avec la police locale: "Vous ne dégagez plus la sérénité que l’on attend de vous".

Même ses partenaires de coalition reconnaissent que ses excuses ne suffiront pas à rétablir la crédibilité de la Belgique sur la scène internationale : "Ces excuses sont un premier pas (...) mais elles ne suffiront pas" déclare au Soir Ahmed Laaouej (PS), qui ajoute "d’autres mesures sont nécessaires pour montrer que vous avez le plus grand respect pour la police".

Le Premier ministre, qui a fait un bref passage à la fête d'anniversaire, a lui-même été questionné par un journaliste lors d'une conférence de presse à Bruxelles qui portait sur un autre sujet. "J'étais présent et je n'ai rien vu non plus", dit Alexander De Croo. Une enquête pour "outrage" a été ouverte par le parquet de Courtrai elle doit rendre ses conclusions à la fin du mois.

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