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En Afghanistan, les talibans se rapprochent des grandes villes

Depuis trois mois et le début du retrait des forces occidentales, les talibans mènent l’offensive. Après avoir pris le contrôle de vastes zones rurales, ils se sont attaqués à trois grandes villes.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un enfant blessé est transporté sur une civière vers un hôpital après un attentat à la voiture piégée à Kandahar le 6 juillet 2021 (JAVED TANVEER / AFP)

Trois villes sont attaquées par les talibans : Kandahar au sud, non loin Laskhar Gah, et Hérat à l’ouest. À Lashkar Gah, des témoins racontent que ce week-end, les combats entre forces afghanes et talibans ont eu lieu rue par rue. Les habitants sont piégés entre les bombes qui tombent du ciel, et les cadavres qui recouvrent les rues. À Hérat, 600 000 habitants, les combats se rapprochent de la ville. Les islamistes sont pour l’instant freinés par des milices dirigées par un puissant chef de guerre locale, Ismaïl Khan, vétéran très respecté de la guerre contre les Soviétiques.

Ce qui inquiète surtout le pouvoir, c’est la situation de la ville de Kandahar. Les talibans combattent dans les faubourgs. Dans la nuit de samedi 31 juillet à dimanche, ils ont lancé des roquettes sur l’aéroport. La piste de décollage a été endommagée, et il n’y en a qu’une. Tous les vols ont été suspendus dimanche pendant quelques heures avant de reprendre dans l’après-midi.

Kandahar, la prise essentielle


La ville de Kandahar a une importance stratégique dans cette nouvelle offensive. Et ce pour plusieurs raisons. Déjà, Kandahar est la deuxième plus grande ville du pays, après Kaboul, 650 000 habitants. Ensuite, parce qu’elle abrite une base aérienne militaire. Les bombardements aériens sont la clé de cette guerre contre les Talibans. Sans aéroport, les forces afghanes ne peuvent plus décoller, et elles ne peuvent plus non plus être ravitaillées dans la région.

Symboliquement, Kandahar est aussi le berceau du mouvement des talibans. Ils en avaient fait le centre de leur régime ultra-rigoriste entre 1996 et 2001, lorsqu’ils étaient au pouvoir. Enfin, si les islamistes reprennent Kandahar, cela mettra l’armée régulière dans le doute. Moralement, ce sera un désastre pour les troupes afghanes qui se demanderont si elles sont capables de gagner cette guerre. "Le dernier point de résistance du régime c’est sa capacité à tenir les villes", explique Gilles Dorronsoro, professeur de science politique à l'Université Paris I et spécialiste de l’Afghanistan. "Si le régime perd Kandahar, les talibans vont installer un gouvernement à l’intérieur de la ville." Pour l’expert, "si les talibans prennent Kandahar, le régime s’effondre."

Pour l’instant, les forces afghanes ont le soutien des Américains. Bien qu’ils soient en train de se retirer d’Afghanistan et qu’ils ont quitté la base aérienne de Bagram, ils continuent de bombarder les insurgés. Ils opèrent depuis leur base dans le Golfe. "Les Américains achètent un délai entre leur retrait – qui doit s’achever le 31 août – et la chute du régime. Les bombardements ne servent plus qu’à ça, tout le monde sait que c’est un régime qui est mort."

30 000 Afghans quittent le pays chaque semaine

Les Américains n’opérant plus depuis le sol afghan, leurs frappes aériennes sont imprécises, et c’est ce qui explique l’augmentation des pertes civils ces dernières semaines. Ces combats aériens et au sol ont forcé des milliers d’Afghans à fuir leurs maisons. À Kandahar, le gouvernement a installé à la hâte des camps de fortune où se retrouvent aujourd’hui des milliers d’habitants. À Lashkar Gah, les habitants ont pris leurs affaires et sont partis dormir près d’une rivière.

Dans les villes, les talibans chassent les civils de leurs maisons pour pouvoir se protéger à l’intérieur. Selon l’ONU, 30 000 Afghans quittent le pays toutes les semaines. C’est 30 à 40% plus qu’avant le retrait des forces occidentales. Selon l’ONU, 330 000 Afghans ont été déplacés cette année, dont la moitié depuis que les États-Unis ont entamé leur retrait en mai. Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) alerte : la crise humanitaire est "imminente".

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