Chine : le secteur des jeux vidéo sous pression
La presse officielle chinoise a estimé mardi 3 août que les jeux en ligne était un "opium pour l’esprit", une "drogue électronique". Résultat, les actions de plusieurs compagnies chinoises ont chuté. Pourquoi le pouvoir chinois met-il ainsi la pression ?
Panique sur le marché des jeux vidéo chinois. Un article du journal Economic information Daily a fait plonger les actions des entreprises de jeux vidéo. Ce sont les mots utilisés qui ont choqué. Les jeux en ligne sont considérés comme une addiction. Une sémantique validée par la censure chinoise, le journal d’économie étant un journal d’État.
Ces termes ont effrayé les investisseurs, et Tencent, le géant chinois du jeu vidéo a perdu jusqu’à 10% à la bourse de Hong Kong mardi 3 août. Le pouvoir chinois a été surpris par cette sur-réaction des marchés. L’article a été supprimé dans l’après-midi, puis republié sans les mots provocateurs. Les actions sont reparties à la hausse.
"Honor of Kings" dans le viseur
C’est surtout un jeu de la société Tencent, Honor of Kings, un jeu de rôle basé sur les personnages historiques chinois (une sorte de League of Legends) qui est visé. C’est plus qu’un phénomène en Chine. Entre 100 et 200 millions d’utilisateurs, un revenu d’un milliard généré par an. Ce jeu a été créé pour les smartphones, et non pour les ordinateurs, ce qui attire plus de monde. Dans Honor of Kings, les joueurs s’affrontent en ligne et dépensent de l’argent (pas virtuel) pour acquérir des artéfacts, des compétences supplémentaires, des nouveaux costumes. En lisant l’article qui assimile les joueurs à des drogués, les investisseurs ont compris que le gouvernement chinois prévoyait de renforcer la régulation de ce marché. Peut-être sera-t-il plus difficile, à l’avenir, d’acheter un super-pouvoir ?
Le régime chinois, lui, explique que s’il veut réguler, c’est bien pour des raisons de santé publique. Certains adolescents jouent huit heures par jour. Cela entraîne une inactivité, des problèmes de vue. Tencent a promis qu’il allait prendre de nouvelles mesures. Pour se plier à la loi de 2019 sur les jeux vidéo, il avait déjà annoncé début juillet qu’il mettait en place un système de reconnaissance faciale pour empêcher les mineurs de jouer entre 22h et 8h. Lors de l’inscription, il faut donner sa carte d’identité. Ensuite le jeu compare la photo du document et le visage, et s’éteint si vous avez en-dessous de 18 ans.
Reprise en main du secteur numérique
Cet article est publié dans un contexte où le régime chinois tente de reprendre en main des géants du numérique. Depuis 2017, le régime a lancé une refonte du système de régulation des marchés, notamment pour les entreprises du numérique. Loi anti-monopoles, régulation de la collecte des données, amendes etc… Les sociétés comme Alibaba, Huawei, Tencent, sont ciblés.
En fait, la Chine essaye de trouver un nouveau système, car dans un monde de plus en plus numérique, ces géants vont devenir encore plus puissants, ils vont avoir un rôle encore plus central dans les années à venir. Ces méga–entreprises sont stratégiques et ce à quoi le pouvoir communiste n'est pas habitué, c'est qu'elles sont privées, avant, il s’agissait de conglomérats publics. La taille de ces sociétés est considérable, tant par le nombre d’employés, que par leur valorisation et les milliards de dollars qu’elles génèrent tous les ans. "Ces entreprises sont dans des domaines extrêmement sensibles", explique Antoine Bondaz, chercheur à la fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de la Chine, "elles ont un rôle essentiel vis-à-vis des du contrôle des populations (surveillance, propagande, censure), elles sont aussi fondamentales pour le contrôle des technologies de l’information et enfin, elles sont stratégiques pour l’innovation."
Pékin cherche donc à les réguler économiquement (c'est en cours) et à les contrôler politiquement. Cette surveillance politique est un des enjeux des prochaines années. Façonner ces entreprises, influer sur le contenu de ce qu’elles proposent pour mieux contrôler la population. En 2019, l’application "Xuexi qiangguo" est par exemple sortie pour "apprendre la pensée de Xi Jinping". Elle serait utilisée pour espionner les smartphones des Chinois selon une société de cybersécurité allemande.
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