Caucase : en conflit depuis de nombreuses années, l'Arménie et l'Azerbaïdjan s'entendent pour délimiter leur frontière commune
Voir deux pays s'entendre pour délimiter ensemble leur territoire reste un événement rarissime dans le monde, même si ce futur tracé obéit en l'occurrence à la loi du plus fort.
Ces deux voisins du Caucase du sud sont en conflit depuis des décennies. Entre 2020 et 2023 l'Azerbaïdjan a relancé l'offensive et repris par les armes de larges zones y compris le lieu le plus symbolique de la région, l'enclave séparatiste du Haut-Karabakh, qui a capitulé en 24 heures au mois de septembre 2023 entraînant l'exode de tous ses habitants. Un cessez-le-feu a été signé, les conquêtes territoriales sont désormais figées. Après huit cycles de négociations, des experts des deux pays sont sur le terrain pour cartographier le territoire et pour y tracer la frontière. Ce ne sera pas très loin d'un gros gazoduc. Une première borne a été posée mardi 23 avril. Les soldats russes présents depuis 30 ans comme force de maintien de la paix ont commencé à se retirer. Ils seront remplacés par des gardes-frontières des deux pays.
Plusieurs tentatives de médiations sans succès
Plusieurs pays ont tenté de jouer les médiateurs ces dernières années : la Russie, l'Iran, les États-Unis, la France et l'Allemagne. Les négociations ont toutes échoué. Et c'est finalement sans l'intervention d'une tierce partie que l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont réussi à avancer. "Nous ne parlons pas d'une quelconque médiation, car ce qui se passe actuellement à notre frontière prouve que lorsque nous sommes laissés seuls, nous pouvons nous mettre d'accord plus tôt que plus tard", a déclaré Ilham Aliyev, le président azerbaïdjanais.
Érevan et Bakou se sont entendues pour revenir à la délimitation qui existait à l'époque soviétique, avant 1991. Le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, qui ne veut pas perdre la face assure qu'il n'y aura aucun "transfert de territoire souverain de son pays". En mars, il a tout de même accepté que quatre villages azerbaïdjanais saisis dans les années 1990 par l'Arménie, et aujourd'hui abandonnés, repassent sous le contrôle de Bakou. Cette concession, il la voit comme le prix à payer pour réduire les risques de conflit. Les habitants des zones frontalières, eux, la perçoivent plutôt comme un signe de faiblesse. Ils restent inquiets. Plusieurs manifestations ont eu lieu ces derniers jours.
Un fragile équilibre
Sauf qu'il faut impérativement passer par l'établissement de cette frontière pour entamer des discussions de paix. Un accord de paix est d'ailleurs "plus proche que jamais", voilà ce que dit le président azerbaïdjanais, dans un élan d'optimisme, un peu trop enthousiaste pour être sincère... Ilham Aliev ne s’en est jamais caché : son objectif, à terme, reste de rejoindre l'exclave du Nakhitchevan, puis la frontière de son grand allié, la Turquie. Pour cela, il lui faut rétablir la continuité de son territoire, qui au sud est littéralement coupé en deux par l’Arménie.
Alors qu'à la faveur de la guerre en Ukraine, l'Azerbaïdjan monte en puissance et s’impose comme un acteur incontournable, l’Union européenne a par exemple signé avec Bakou un accord pour doubler les importations de gaz d’ici à 2027, Ilham Aliev a déjà commencé à négocier la création d'un corridor terrestre dans cette zone. Nouvelle frontière ou pas, il y a là largement de quoi trouver prétexte à une prochaine guerre dans les années qui viennent.
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