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Au Japon, les funérailles nationales de Shinzo Abe ont du mal à passer

Au Japon, les funérailles nationales de l'ancien Premier ministre Shinzo Abe, prévues mardi 27 septembre, ont beaucoup de mal à passer dans l'opinion publique.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Rassemblement de protestation contre les funérailles du Premier ministre Shinzo Abe à Tokyo (Japon), le 19 séptembre 2022. (RICHARD A. BROOKS / AFP)

Plus d'un Japonais sur deux est opposé à l'hommage national qui sera rendu mardi à l'ancien Premier ministre Shinzo Abe (et encore, selon les sondages, c'est la fourchette basse. Dans un sondage publié en début de semaine dans le journal Sankei, plus de 60% des personnes interrogées se disent contre). Il y a des pétitions, des recours en justice, des manifestations – fait rare au Japon – plusieurs milliers de personnes mardi 20 septembre à Tokyo.

Mercredi 21 septembre, un homme s'est même aspergé d'essence devant les bureaux du Premier ministre avant de mettre le feu. Il est à l'hôpital, sa vie n'est plus en danger.

Une cérémonie à 12 millions d'euros

Les obsèques de Shinzo Abe, assassiné le 8 juillet en plein meeting électoral, promettent d'être grandioses (pas autant toutefois que celles d'Elizabeth II) : une cinquantaine de chefs d’État, des délégations venues de toute la planète qui se rassembleront dans le mythique Budokan à Tokyo, à la fois salle de concert et lieu de commémoration nationale, devant la photo de Shinzo Abe (il a été incinéré le 12 juillet) au milieu d’un immense parterre de fleurs blanches. Coût de l’opération : 12 millions d’euros, intégralement payés par l'État.

Sauf que personne ne comprend cette débauche de moyens. Un hommage d'une telle ampleur est normalement réservé aux membres de la famille impériale, pour un simple chef de gouvernement c'est rarissime. Le dernier remonte à 1967, et ça c'était déjà très mal passé.

Une personnalité clivante

La personnalité de Shinzo Abe explique en partie ces réticences. Certes il est resté presque neuf ans au pouvoir, une longévité record, il a beaucoup œuvré sur la scène internationale, mais en matière de politique intérieure son bilan est beaucoup plus mitigé. Shinzo Abe, personnage clivant, est très critiqué pour son positionnement ultra-conservateur, son nationalisme exacerbé, pour ses politiques économiques bien plus favorables aux grandes entreprises qu'aux travailleurs, pour les scandales politico-financiers qui ont entaché ses mandats.

Mais surtout, depuis que son assassin présumé a expliqué qu'il en voulait à la secte Moon, avec laquelle Shinzo Abe avait des liens selon lui, les révélations s'enchaînent.

Plus de la moitié des députés du parti au pouvoir, le PLD – longtemps dirigé par Shinzo Abe – ont (ou ont eu) des relations à des fins électoralistes avec cette Eglise, certes légale au Japon mais accusée d'exercer des pressions financières sur ses fidèles. L'actuel Premier ministre a promis de couper les ponts mais il n'y a eu aucune enquête, aucune sanction.

Plus d'annulation possible

D'autres éléments de contexte expliquent cette fronde : leur coût bien sûr, alors que le Japon, comme beaucoup de pays, traverse des difficultés économiques importantes. L'absence de fondement légal aussi : l'actuel Premier ministre a pris sa décision tout seul dans son coin, sans consulter l'opposition.

Le gouvernement n'avait certainement pas anticipé une telle hostilité. Fumio Kishida a du prendre la parole publiquement, à plusieurs reprises, pour justifier sa décision, il n'a concaincu personne. Sa popularité et celle de sa majorité est en chute libre. Mais c'est trop tard. Les cartons sont envoyés. L'annulation n'est plus une option.

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