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Au Burkina Faso, l'or des mines intéresse les militaires

Au Burkina Faso, la junte réquisitionne une partie de la production des mines d'or. Elle réclame 200 kilos à un groupe canadien par "nécessité publique".

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une mine d'or à Namisgama (Burkina Faso). (ISSOUF SANOGO / AFP)

Le terme « réquisition » ne doit pas être pris au pied de la lettre : les 200 kilogrammes d'or auraient été achetés au prix du marché, et l'opération commerciale aurait fait l'objet d'un contrat en bonne et due forme. Le ministre des mines, qui a signé le décret ce 14 février, évoque de façon un peu floue un dédommagement "correspondant à la valeur de l'or réquisitionné" - 200 kilos d'or représentent grosso modo 11 millions d'euros.

Mais cette opération avec la Semafo, filiale du groupe canadien Endeavour Mining, est très inhabituelle. Face aux interrogations, le gouvernement a donc tenté de se justifier : cette réquisition est 'dictée par un contexte exceptionnel de nécessité publique qui fonde l'Etat à demander à certaines sociétés de lui vendre une partie de leur production'. 

Les mines ferment, les recettes fiscales baissent

L'or, premier produit d'exportation du Burkina, fait (ou plutôt faisait) sa richesse. Mais depuis quelques années, à cause de la recrudescence des attaques de groupes djihadistes, à cause des enlèvements et des exécutions, à cause de l'impuissance des autorités, les entreprises minières ne se bousculent plus au portillon.
Protéger leurs sites, leurs travailleurs et leurs convois leur coûte trop cher. L'an dernier six mines ont fermé pour ces raisons. Ca a mis plus de 2000 personnes au chômage, et privé l'Etat de grosses recettes fiscales. 38 millions d’euros de manque à gagner.
Dans l'est, certains sites sont sous la coupe des terroristes qui écoulent leur richesse loin des radars de l’État. Là aussi c'est de l'argent en moins. Il fallait trouver un moyen d'en récupérer. Les militaires - qui dirigent le pays depuis le coup d'Etat - n'ont pas eu à chercher très loin.

Recrudescence des attaques djihadistes

Officiellement, la vente de cet or va servir à financer la lutte contre les djihadistes. Car le Burkina est devenu l'épicentre des violences au Sahel : 150 morts depuis le début de l'année. 

Ce 17 février, l'ONG Médecins sans frontières a annoncé suspendre l'ensemble de ses activités dans le pays, après que deux de ses employés ont été tués le 8 février lors d'une attaque dans le nord-ouest.

La junte doit donc répondre à la demande sécuritaire (40% du territoire est hors du contrôle), mais aussi à la famine qui menace et aux 2 millions de personnes déplacées.

Mais pourquoi acheter de l'or ? Le Burkina se finance sans problème sur les marchés régionaux. Le 15 février, le Trésor public a même encaissé près de 30 milliards de francs CFA auprès de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. 

La Russie a-t-elle joué un rôle ? Alors que la junte a demandé aux militaires français de quitter le pays d'ici la fin du mois, le Burkina se rapproche ostensiblement de Moscou - et des paramilitaires de Wagner.
Or sous couvert d’offre sécuritaire, ce groupe s'est transformé en véritable entreprise de prédation des ressources et de prise de contrôle des pays qui font appel à lui. (On l'a vu en Centrafrique et dans une moindre mesure au Mali). Le groupe est suspecté de tenter aussi de s'implanter au Burkina. Certains mauvais esprits suggèrent que ce sont les mercenaires de Wagner qui ont soufflé aux militaires l'idée de cette réquisition d'or... pour se servir au passage.

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