Attentat de Moscou : pour quelles raisons la branche afghane de l'État islamique vise la Russie et l'Europe ?
Avant l'attentat du Crocus City Hall, vendredi 22 mars près de Moscou, le dernier attentat notable du groupe État islamique contre la Russie datait de 2017, en faisant 15 morts dans le métro de Saint-Pétersbourg. La Russie est régulièrement la cible d'attaques islamistes depuis ses interventions armées en Afghanistan, en Tchétchénie et en Syrie. L'organisation État islamique n'oublie certainement pas la répression extrêmement violente qu'elle a essuyée en Syrie, de la part de Moscou aux côtés de Bachar Al-Assad.
Daesh-K, ou EI-K, la branche centrée sur la région de l'Afghanistan - la plus active aujourd'hui, reprend cette liste de combats où la Russie "a fait couler le sang des musulmans". Il lui reproche aussi de se confronter aujourd'hui à au groupe État islamique au Sahel.
L'organisation État islamique au Khorasan, ou Daesh-K, se constitue en 2015, notamment avec d'anciens talibans. Après la création de l'organisation État islamique en Irak, en 2006, le groupe s'étend avec la guerre en Syrie, en devenant en 2013 l'État islamique en Irak et au Levant. En 2015, l'organisation s'agrandit donc encore vers l'Est, en prenant ce nom de Khorasan, en référence à l'appellation médiévale du pays, qui englobait alors l'Afghanistan et des parties du Turkménistan, de l'Ouzbékistan et du Tadjikistan.
"Le groupe le plus sanguinaire"
Très vite, ce groupe s'illustre par sa brutalité. L'IFRI, l'Institut Français des relations internationales, le qualifie de "groupe le plus sanguinaire" d'Afghanistan. On lui doit entre autres l'attaque contre l'aéroport de Kaboul en 2021, au moment où les talibans renversent le gouvernement : 170 civils et 13 soldats américains en sont victimes.
Mais cette "succursale" de l'organisation État islamique frappe aussi ses ennemis à l'extérieur des frontières. En lien étroit avec la centrale qui lui verse des fonds pour financer ses opérations, Daesh-K part en guerre contre l'infidèle global. Son objectif : frapper fort, n'importe où, pour répandre la terreur ; les attaques sont imaginées depuis la zone afghane pour être projetées dans le pays visé ou confiées à des sympathisants locaux qui prennent le relais.
Nombreuses arrestations en Europe
Depuis deux ans, les tentatives se multiplient de manière spectaculaire. En Iran, un attentat à la bombe a eu lieu le 3 janvier, faisant 90 morts et 300 blessés. Mais leurs actions visent aussi l'Europe : en novembre 2022 à Strasbourg, la DGSI interpelle deux islamistes radicaux qui s'apprêtaient à passer à l'action. Ils étaient affiliés à Daesh-K. En 2023, des arrestations ont eu lieu en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne. Aujourd'hui on se rappelle que la Russie fait aussi partie des cibles privilégiées de l'organisation.
En septembre 2022, Daesh-K a revendiqué un attentat suicide contre l'ambassade russe de Kaboul, c'était un premier signal. Début mars 2024, au sud-ouest de Moscou, des membres présumés sont tués par les forces russes, qui les accusent de préparer un attentat contre une synagogue de la capitale.
Le Tadjikistan, un point chaud du terrorisme islamiste
Plusieurs assaillants du Crocus City Hall sont originaires du Tadjikistan. Cela s'explique par le fait que l'État islamique a capitalisé au fil des ans sur les insurrections islamistes d'Asie centrale et du Caucase, à l'œuvre depuis les années 90. Ces mouvements avaient au départ des revendications locales et se sont placés sous sa bannière.
Parmi les anciennes républiques soviétiques, la petite république du Tadjikistan est l'un des points chauds du terrorisme islamiste. Des éléments radicalisés rêvent de mettre à bas le régime dictatorial de Douchanbé, qui règne sur le pays depuis 32 ans, financé par Moscou justement pour contenir la menace islamiste. En affaiblissant les Russes ils affaiblissent donc le pouvoir dans leur pays.
Ils peuvent aussi compter sur leurs ressortissants : deux millions de Tadjiks vivent actuellement en Russie avec un passeport russe. Le président tadjik et Vladimir Poutine (qui pourtant refuse toujours de suivre cette piste islamiste) se sont entretenus par téléphone, dimanche 24 mars, et ont annoncé '"intensifier" leur coopération antiterroriste. Mais tout va tellement vite et le scénario semble tellement parfait que les plus modérés se méfient du risque d'instrumentalisation, des deux côtés.
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