Allemagne : l'intelligence artificielle, nouvel outil de propagande de l'extrême droite
Le pape François engoncé dans une grande doudoune blanche, Emmanuel Macron en train de ramasser des poubelles à Paris... Avec les logiciels Dall-E ou Midjourney, ce genre d'image trafiquée est désormais à la portée de n'importe qui. Il suffit de de taper quelques phrases sur son clavier pour décrire l'image que l'on souhaite, l'intelligence artificielle fait le reste en quelques secondes.
En Allemagne, cette pratique est en train de s'installer dans le champ politique : des parlementaires du parti d'extrême droite Afd ont commencé à en faire un usage régulier à des fins de propagande.
Au service du discours anti-immigration
Il y a par exemple cette image où l'on voit un groupe d'hommes aux cheveux noirs et au visage basané, ils sont en gros plan, ils semblent fous de colère. Elle a été publiée sur son compte Instagram par le vice-président du groupe parlementaire de l'AfD, Norbert Kleinwächter, avec cette légende en énormes caractères : "Non à plus de migrants".
Le même député, climatosceptique reconnu, a aussi diffusé la représentation d'un militant pour le climat qui hurle assis dans la rue, torse dénudé, barbe sauvage et cheveux au vent, tandis que des passants terrorisés s'enfuient derrière lui. Il n'est pas le seul. D'autres élus ont fait la même chose. Impossible de lister à ce jour le nombre de fausses images diffusées.
Même si on se rend compte assez vite en réalité qu'il ne s'agit pas de "vraies" photos, les médias allemands s'inquiètent de cette pratique, qui pousse plus loin encore les concepts de fake news et de réalité alternative auxquels nous a déjà habitués une certaine droite américaine.
"Très reconnaissant" pour cette nouvelle technologie
D'ailleurs, après Donald Trump qui a diffusé une fausse photo de lui-même le montrant en train de prier, mercredi 5 avril, son fils Eric a partagé un cliché où l'on voit l'ancien président américain marcher dans New York à la tête d'un cortège immense, en liesse, surmonté de grands drapeaux à la bannière étoilée. Une publication vue neuf millions de fois, fabriquée de toutes pièces par un militant trumpiste. Mais ça, tout le monde ne s'en est pas rendu compte
En Allemagne, l'AfD se justifie en expliquant qu’elle utilise "des banques d’images", sans "vérifier si elles sont générées par l'intelligence artificielle". Interrogé par le Frankfurter Allgemeine Zeitung, Norbert Kleinwächter se défend de toute tentative de manipulation. Il explique que les images représentent volontairement des stéréotypes, qu'elles sont identifiables comme "caricatures", qu'elles permettent simplement de mieux faire passer son message.
Le député se dit même "très reconnaissant" pour cette nouvelle technologie. D'autres élus de son parti expliquent que ça ne leur coûte rien et qu'ils envisagent d'en partager encore plus à l'avenir (même si depuis le 28 mars 2023, Midjourney a suspendu pour une période indéterminée la possibilité de générer des images gratuitement). Le Frankfurter Allgemeine Zeitung dit craindre de son côté que la méthode profite à l'AfD en lui permettant de gagner davantage d'électeurs, les plus crédules. Ou les moins regardants.
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