En Inde, l'adaptation par Bollywood d'un poème d'amour du XVIe siècle échauffe les extrémistes hindous
Tous les jours, Marie Colmant revient sur un sujet passé (presque) inaperçu : mardi, le film "Padmavati", une histoire d'amour entre une reine hindoue et un empereur muslman qui exacerbe les tensions.
Une très grosse production cinématographique dont Bollywood a le secret est aujourd’hui le sujet numéro un d’exaspération en Inde, au point de menacer la sortie en salles. Le film n’est même pas sorti, personne ne l’a vu, mais il a déjà donné lieu à de violentes manifestations, et même à des menaces de mort contre les acteurs.
De quoi s’agit-il ? De Padmavati. Une adaptation au cinéma d’un poème indien écrit au XVIe siècle par un musulman soufi, et qui compte l’histoire tragique et totalement fictionnelle d’une reine hindoue, Padmavati, qui, en 1540, sous la menace d’un empereur musulman moghol, préfère se jeter sur le bucher de son mari, plutôt que de se soumettre à l’occupant.
Des violences lors du tournage
Très vite, dès que la nouvelle se propage que le film est en tournage, les extrémistes hindous, persuadés que le cinéma va trahir, voire souiller cette héroïne, en lui prêtant une histoire d’amour avec l’empereur musulman, se mobilisent et débarquent sur le tournage, terrifiant l’équipe et proférant des menaces. Légèrement apeuré, le metteur en scène décide alors de couper quelques scènes pour ne pas ajouter à la confusion et de repousser la sortie du film au 1er décembre.
Cela ne suffit pas. Il y a huit jours, un député du BJP, le parti du gouvernement, promet dix millions de roupies à qui lui rapporteraient les têtes de l’actrice principale, qui a eu le front de dire qu’elle n’avait pas peur des menaces, et de son réalisateur. Un autre groupe hindou a menacé de mettre le feu dans tous les cinémas qui montreraient le film, y compris au Royaume-Uni, où la sortie du film est prévue également pour le 1er décembre.
Bollywood a déjà produit des récits de ce genre, mettant en scène des personnages historiques qui ont réellement existé. On se souvient par exemple, de Joda Akhbar, une superproduction de 2008 qui contait la véritable histoire d’un empereur moghol musulman épousant une princesse hindoue et qui fut un énorme succès au box office, sans qu’il y ait eu l’ombre d’un problème. Mais l’Inde de 2008 n’est plus celle de 2017, comme le prouve l’histoire de Padmavati. Et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle.
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