"Un spectacle entre le concert et le théâtre" : Cyril Mokaiesh rend hommage à Georges Moustaki, dix ans après sa mort
Anciennement joueur de tennis, Cyril Mokaiesh s'est tourné très tôt vers la musique. Son titre de champion de France à 18 ans et son amour de la balle jaune ne l'ont pas emporté face à son envie de prendre la plume. L'artiste est donc né très tôt, d'abord en groupe, puis en solo avec ses deux premiers albums Du Rouge et des passions (2011) et L'amour qui s'invente (2014), qui ont été salués par le public et la critique. En 2021, il sortait un album de duos, Dyade. Ce mardi 23 mai 2023, cela fait 10 ans que Georges Moustaki nous a quitté et à cette occasion, Cyril Mokaiesh vient de sortir un album de reprises de 12 de ses titres intitulé Le temps de vivre.
franceinfo : Le temps de vivre est un album de reprises ou de réinterprétations ?
Cyril Mokaiesh : Un album hommage qui est arrivé un peu par hasard, je dois dire. J'ai eu envie de me laisser porter. Parfois, on fait les choses sans trop se poser de questions et on se laisse embarquer par l'œuvre, la vie et le personnage romanesque, presque cinématographique de Moustaki. Les voyages, la poésie, une forme d'engagement politique à travers ses chansons, mais toujours avec une nonchalance, un sourire en coin qui fait passer des messages parfois durs, vrais, lucides, mais du coup très audibles et charmants.
Il avait des mots durs, mais en même temps, il avait cette tendresse qui faisait qu'on écoutait davantage ce qu'il disait et on en tenait compte. C'était la force de Georges Moustaki ?
Oui, je crois. D'ailleurs, Léo Ferré lui avait dit quelque chose de bien : "Tu murmures ce que je hurle Georges".
C'est vrai que dans la forme, on peut dire des choses graves ou fortes, en les murmurant, avec tendresse et féminité, et je crois que c'était l'un des plus grands atouts de Georges Moustaki.
Cyril Mokaieshà franceinfo
Léo Ferré a été, très tôt, une inspiration pour vous.
Léo Ferré, c'était ma première inspiration. Mon premier grand émoi. Ma très courte carrière de sportif s'est aussi arrêtée au moment où j'ai entendu des chansons de Léo Ferré et je me suis dit : wow la puissance de la chanson, l'écriture, la poésie, la force de ce qu'on peut représenter, dire, véhiculer comme idée, ça a été un uppercut et là, je me suis dit : ok, stop ! Je n'arriverai pas à ce niveau-là, mais je vais tout faire pour m'en rapprocher.
Cela dit, j'ai l'impression que ce parcours de sportif vous a permis de ne rien lâcher.
Bien sûr. Et puis ça m'arrive encore de repenser à quand j'avais des tournois importants ou des matches, des finales importantes. Finalement, la manière de se préparer avant un concert ou la manière de se préparer avant d'écrire une chanson, il y a des points communs. Il faut se mettre dans une espèce d'état qui nous permet de nous exprimer pleinement.
Parlons de la scène. Vous serez le 28 juin 2023 au Théâtre de l'Atelier à Paris, le 14 juillet aux Francofolies à La Rochelle. Il y a quelques dates annoncées qui vont vous permettre de rendre hommage à Georges Moustaki. Ça fait dix ans, jour pour jour, qu'il nous a quittés. Vous avez hâte de retrouver ce public ?
C'est le moment de vérité et puis c'est amusant parce que je ne voulais pas faire un concert qui soit 'classique'.
Sur scène, j'ai fait le pari de me fondre un peu dans les habits et la vie de Georges Moustaki et de dire : je, de parler à la première personne.
Cyril Mokaieshà franceinfo
Au début, ça me faisait un peu peur de me glisser dans son costume. Je me disais : les gens vont peut-être éclater de rire au bout de deux morceaux quand je dirai : je m'appelle Joseph et je suis né à Alexandrie. Je crois qu'on arrive à un spectacle qui ressemble plus à une création, à une proposition, entre le concert et le théâtre.
Je voudrais qu'on parle de cette notion, la liberté, qui était finalement la plus importante pour lui, qui vous correspond et qui semble vous avoir donné envie de vous attaquer à Georges Moustaki. Il a écrit Ma liberté pour Serge Reggiani. Est-ce que ce n'est pas ce qui définit le plus Georges Moustaki et ce qui vous définit le plus ?
En tout cas, c'est une chanson de son œuvre qui me parle le plus. Ma liberté, oui, c'est d'être capable de vivre pleinement ce métier comme j'imagine qu'il le vivait et comme je le vis. Ce que j'apprécie chez tous les artistes que j'admire, mais en particulier chez Moustaki, c'est cette capacité à être là au moment où il faut et à pouvoir faire un pas de côté pour aller remplir son esprit, son cœur, pour avoir à nouveau quelque chose à dire. Prendre la parole en chanson, comme dans tous les arts, je pense que ce n'est pas quelque chose qu'il faut prendre à la légère. Il ne faut pas faire pour faire.
Est-ce que cet album hommage n'est pas justement un trait d'union avec ce qui va arriver après ? C'est-à-dire que c'était nécessaire pour vous de prendre du recul et de comprendre cette notion de prendre le temps de vivre ?
Oui, c'est sûr que ça m'a fait du bien. J'y suis allé vraiment pas à pas et au fur et à mesure que j'entendais des chansons qui commençaient, par exemple par : "Je déclare l'état de bonheur permanent sans que ce soit voté dans aucun parlement", j'ai vraiment eu le sentiment que je m'étais fait un allié et plus que ça. Petit à petit, je me suis rendu compte que j'allais avoir très envie de dire ses mots. Ça me nourrit et je crois que ça, ça me rend heureux quelque part aussi.
Pour terminer, quelle est la chanson qui vous parle le plus alors ?
Je crois que c'est Ma solitude qui me touche le plus parce qu'elle a quelque chose d'imperceptible, de presque ambiguë. Jusqu'au bout, on ne sait pas bien comment on appréhende la solitude, comment on vit avec et si réellement, on la choisit, si elle sera ma dernière maîtresse ou ma plus belle amante. Quelque chose comme ça. Il y a un doute qui plane et j'aime bien ça. J'aime bien les sentiments mitigés.
Cyril Mokaiesh sera en concert les 3 et 4 juin 2023 à la Contrescarpe à Paris, le 10 juin à Le Haillan, le 28 au Théâtre de l’Atelier à Paris, le 14 juillet aux Francofolies de la Rochelle.
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