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Séverine Ferrer, porte-parole féministe avec sa pièce "La Voie des femmes" : "C'est à nous de prendre cette parole pour celles qui ne l'ont pas"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne et metteure en scène Sandrine Ferrer. Elle est en tournée dans toute la France avec son spectacle "La Voie des femmes".
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Séverine Ferrer à Mulhouse (Haut-Rhin) le 18 octobre 2018 (JEAN-FRANCOIS FREY / MAXPPP)

Séverine Ferrer est connue en tant que présentatrice télé, un métier qu'elle a démarré à l'âge de 9 ans sur Antenne Réunion et qui a continué plus tard avec M6 et l'émission Fan de, qu'elle a présentée pendant huit ans. Mais elle est aussi chanteuse et surtout comédienne et metteure en scène. Le cinéma, le théâtre l'ont également toujours accompagnée. Elle a décidé de combiner ses passions et ses convictions pour faire avancer la cause des femmes en créant La Voie des femmes, qui raconte les femmes et est écrit par des femmes. Elle est en tournée en France.

franceinfo : Ces échanges sont des récits vécus. Ces histoires s'adressent aux hommes aussi. Le but est-il de faire avancer les choses ?

Séverine Ferrer : Complètement. Évidemment, il y a encore tellement de choses à faire ! À ce moment précis de nos vies, on a besoin de faire plus. C'est le juste retour de ce qu'on nous a offert, la possibilité de faire ce qu'on aime, de pouvoir s'exprimer, de nous donner la parole à travers les médias. Alors cette fois, c'est à nous de prendre cette parole pour celles qui ne l'ont pas.

Vous avez joué Les Monologues du vagin pendant dix ans. Cette expérience vous a permis d'échanger avec le public, de vous rendre compte aussi que seule la parole faisait avancer les choses et qu'elles pouvaient faire changer les mentalités. C'est ça le point de départ finalement ?

Le point de départ, c'est évidemment la grande fierté d'être une femme et j'ai toujours eu envie de faire beaucoup pour les femmes. Donc, depuis toute petite, je suis concernée par cette cause qui me tient à cœur. À travers Les monologues, on se sentait investies d'une mission. Il y a un avant et un après. Moi, je suis devenue une femme en devenant mère évidemment, mais aussi en jouant dans cette pièce parce qu'en fait, ce qui était très puissant, c'étaient ces échanges qu'on pouvait avoir après chaque représentation, avec ces femmes qui venaient nous voir parce qu'on osait dire tout haut ce qu'elles avaient au fond d'elles tout bas. Et ces hommes qui venaient ! Et qui nous disaient enfin, vous savez que ce soir, j'ai compris des tas de choses et désormais, je ferai davantage attention à vous. C'est une petite victoire pour nous.

La voie des femmes est une série de témoignages. Il n'y a absolument aucun tabou sur scène.

Aucun tabou. C'était important. En tant que comédiennes, on se connaît toutes. Beaucoup d'entre elles n'ont jamais osé en parler, et même au mouvement #MeToo quand il est arrivé parce qu'on avait envie de se protéger, tout simplement. Pas du tout par lâcheté. Et c'est vrai qu'on avait envie de raconter nos histoires pour que ça n'arrive pas à d'autres. On se passe les textes, donc le spectateur ne sait pas à qui appartient telle ou telle histoire, mais en tout cas, l'histoire est entendue.

Vous-même, avez-vous vécu des moments inacceptables avec des hommes ?

Bien sûr.

Est-ce que vous les assumez dans ce spectacle ?

Non ! Peut-être sur une prochaine session de tournée, j'oserai. Pour l'instant, ce n'est pas le cas.

"J'ai envie d'expliquer, de raconter mon histoire, mais je ne suis pas encore assez forte."

Séverine Ferrer

à franceinfo

Vous avez débuté très jeune, à quatre ans. N'avez-vous pas finalement grandi trop vite ?

Franchement, non, parce que j'ai adoré ce monde d'adultes et je n'ai jamais ressenti le manque de quoi que ce soit puisque j'ai vécu les 400 coups avec mes copines. J'ai continué ma scolarité et c'est ce que me disaient mes parents : "Si à l'école, ça ne fonctionne pas, on arrête tout". Donc je travaillais bien, j'allais aux anniversaires de mes copines. Le samedi et le mercredi, j'allais faire des défilés de mode ou enregistrer des pubs, faire des spectacles. Je pense que j'ai pris davantage de maturité un peu plus vite que les autres petites filles, mais j'ai vécu une vie de petite fille normale.

Vous avez grandi à la Réunion, que vous ont transmis vos parents ?

Les vraies valeurs, le respect. Ils m'ont fait un énorme cadeau, c'est de croire en moi depuis le début et de très vite comprendre que ce n'était pas un caprice d'enfant, que c'était une vraie vocation.

Quand on parle de vous, on pense à l'émission que vous avez présentée pendant huit ans. Impossible de vous promener à ce moment-là dans la rue sans être arrêtée quasiment à chaque coin de rue. Comment avez-vous vécu cette notoriété ?

En fait, je ne m'en rendais pas vraiment compte. J'avais l'impression juste d'aller travailler, de prendre du plaisir, de voyager. Je faisais le tour du monde, c'était génial. Et puis, du fait d'avoir commencé aussi très jeune, je savais aussi que la notoriété, ce que c'était plus ou moins, peu m'importait d'être connue ou pas connue. Si je pouvais être dans l'ombre, franchement, je préférerais, en fait.

Je voudrais qu'on parle du théâtre. On a l'impression que le théâtre, c'est vraiment ce qui vous correspond plus.

"Si on devait vraiment me demander de choisir, je ne ferais plus que du théâtre parce que je me sens bien sur scène."

Séverine Ferrer

à franceinfo

J'aime ce contact direct et en plus, tu ne peux pas mentir au théâtre et tu n'as pas de filet. Et je crois que c'est cette prise de risque quotidienne qui me plaît, qui me fait vibrer et qui m'apporte autant de bonnes énergies, autant d'amour. Pour la scène, je pense que je pourrais tout arrêter.

On sent d'ailleurs que ça permet de revenir à l'essentiel.

Oui, complètement.

C'est le cas de La Voie des femmes, ce n'est pas un hasard si vous avez décidé de le mettre sur scène, de le proposer sur scène.

Je voulais vraiment garder ce spectacle sous forme de témoignages. Pour moi, c'est plus une aventure théâtrale à dimension sociale et humaine. Parce que derrière, il y a tout un travail avec des associations. On va recueillir la parole de ces femmes dans les associations et le but final de cette belle aventure, c'est de pouvoir partir dans quelques années, défendre les textes de ces femmes, d'aller les défendre nous sur scène et avec elles pour celles qui en émettent l'envie et de leur proposer un nouveau départ dans la vie. La première chose qu'elles me disent, c'est souvent : "Notre vie, de toutes façons, c'est celle-là. C'est une fatalité". Non, vous êtes encore maîtres de vos vies et vous pouvez encore la changer !

Séverine Ferrer sera, par exemple, le 3 mai à Thionville, le 5 à Belfort, le 6 à Montpellier, le 7 à Marseille, à Lille le 14 mai, à Nantes le 25 et aux Sables-d'Olonne le 24 juin prochain. 

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