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Réalisatrice, documentariste... et actrice : Marie Drucker à l'affiche du film "Un autre monde"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la productrice de documentaires et désormais actrice, Marie Drucker. Elle est à l’affiche du nouveau film de Stéphane Brizé, "Un autre monde".

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Marie Drucker lors de la présentation de "Un autre monde" au Festival du film de Venise (Italie) le 10 septembre 2021 (MARCO BERTORELLO / AFP)

Marie Drucker est une ancienne journaliste, devenue documentariste, réalisatrice et productrice via sa société No School Productions. Elle est désormais, aussi, actrice et est à l'affiche, depuis le mercredi 16 février 2022, du nouveau film de Stéphane Brizé, Un autre monde, aux côtés de Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon.

franceinfo : Vous ne vous considérez plus comme journaliste ?

Marie Drucker : J'ai fait un vrai choix, j'ai même rendu ma carte de presse à la commission de la carte de presse. Je réalise des documentaires, j'en produis.

On reste journaliste dans l'âme !

C'est ce que tout le monde dit, mais je ne le crois pas du tout. J'ai l'impression que j'ai depuis six ans la vie inverse de celle que j'ai eue pendant les 23 années qui ont précédé. Le métier de documentariste, de réalisateur de documentaires, est un travail où il faut avoir nécessairement de la subjectivité, un point de vue très fort qui est à la limite de la fiction. Quand, il y a une douzaine d'années, j'ai commencé à réaliser des documentaires, il fallait que je me défasse en permanence de tous les réflexes journalistiques. Ça me paraît être une vie très, très lointaine.

Être documentariste, c'est aussi et d'abord s'intéresser aux autres. Là, vous êtes actrice, vous êtes sous le feu des projecteurs. C'est un nouveau métier qui s'offre à vous. C'est quelque chose dont vous rêviez depuis longtemps ?

Pas du tout. S'il y a six ans, j'ai voulu changer d'orientation, de chemin, c'est parce que je voulais vraiment changer de métier. Très sérieusement, je ne voulais plus exercer le métier de journaliste, mais pour des raisons qui sont très personnelles, qui sont liées à un parcours qui a duré quand même 23 ans.

"J'ai embrassé le métier de journaliste avec passion. Je lui ai beaucoup donné, il m'a beaucoup rendu, mais, il y a six ans, j'étais au bout de quelque chose."

Marie Drucker

à franceinfo

Et surtout, je voulais aller plus vers la création. Mon rêve, mon objectif, mon ambition, mon risque, mon désir, on appelle ça comme on veut, il y a six ans, c'était de réaliser un film de cinéma.

Je voudrais qu'on aborde ce film, Un autre monde, avec Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain, qui forment un couple incroyable. C'est un vrai regard sur le quotidien de tout le monde.

C'est pour ça que le film est universel et que le titre est à plusieurs entrées : un autre monde. Est-ce que l'on est à l'aise et à quel point l'est-on avec les injonctions auxquelles on doit faire face, et souvent contradictoires, tous les jours ? Il se trouve que le film raconte l'histoire d'un cadre dans une très grande entreprise, Philippe Lemesle, incarné par Vincent Lindon, ça irrigue forcément tous les domaines de la vie. La première scène du film, c'est ça, c'est-à-dire que c'est un couple qui divorce et presque, on ne l'a pas vu venir. 

C'est en cela, d'ailleurs, que ce film devient une caisse de résonance de votre propre vie. C'est une réalité. Qu'est-ce qui fait qu'à un moment donné, vous ayez eu envie de changer ?

Ce sont aussi des métiers extrêmement exigeants où on ne voit pas, en fait, à quel point ça nous traverse de part en part. Il y a un jour, je me suis retournée et je me suis dit : Tiens, tu n'as pas pris de vacances depuis dix ans et sans t'en rendre compte ! Et puis, j'ai réalisé un documentaire et je m'étais dit : si j'ai un peu la reconnaissance de mes pairs dans le domaine, si il y a un succès d'estime et peut-être une bonne audience, j'arrête, pour aller vers une autre vie. Et trois mois plus tard, j'ai tout arrêté.

On a le sentiment que dès le départ, vous vouliez vraiment maîtriser votre vie, être indépendante et finalement compter d'abord que sur vous-même.

C'est exactement ça. Depuis que je suis toute petite, je pense que je ne mets rien au-dessus de ma liberté. Bien entendu, elle ne dérange pas les autres. J'ai voulu maîtriser ça. Je pense que mon nom de famille m'a sauvée parce que je me suis dit : voilà, je travaillerai plus que les autres, je ne prendrai pas les chemins les plus simples, mais on ne pourra pas dire : "Elle est là pour les mauvaises raisons, elle ne fait rien, etc." Mais aussi tout ce parcours pour justement me garantir petit à petit, parce que c'est un long chemin, le plus de liberté possible.

Vous avez connu la création d'une chaîne de télé, vous avez présenté des journaux télé, les plus grands. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez perdu pied ?

Franchement, je ne crois pas. Parce qu'avec les parents que j'ai, ça n'aurait pas été possible !

Qu'est-ce qu'ils vous ont donné vos parents ?

Le travail, la concentration, le respect des autres, l'écoute. Je l'espère, une politesse, c'est-à-dire que j'entends ma mère, toujours depuis que j'ai 15 ans, me dire : "Quelqu'un t'appelle, tu le rappelles". J'ai une mère qui a toujours été très attentive à ce que je faisais, sans jamais aucune complaisance.

"Mes compétences, je suis allée les chercher. Je n'ai pas de bagages, je n'ai pas fait d'études parce que je n'ai pas voulu en faire. Je voulais rentrer dans le monde du travail très vite."

Marie Drucker

à franceinfo

Quelqu'un m'a dit un jour : "C'est drôle parce que les gens qui regardent le JT ne savent pas que Patti Smith sommeille en toi". Je sais bien que j'ai véhiculé longtemps une image assez froide, austère, loin de moi, mais qui m'arrangeait bien aussi ! On me disait : "Non seulement vous vous appelez Drucker, en plus vous avez 12 ans et demi, en plus, vous êtes une femme !" J'avais aussi très envie de ne plus être prisonnière de rien. J'étais complètement dilettante, ascolaire, etc. Et le jour où j'ai quitté l'école, je suis devenue une espèce de monstre de travail, de rigueur, je suis totalement intransigeante.

Aujourd'hui, il y a Infrarouge, Au bout de l'enquête, vous êtes effectivement toujours sur le terrain. Quel regard avez-vous sur le parcours déjà accompli ?

Je suis vraiment là depuis quelques années, à ma juste place. Je n'ai aucun problème avec l'âge parce que je me dis c'est aussi grâce à ça que l'on se connaît mieux. On est davantage dans l'abandon, on a quand même de solides réflexes et une certaine gymnastique de la vie et c'est bien utile aussi. C'est mon parcours et il me va.

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