Pour Maurice Barthélémy, l’hypersensibilité est "un trésor"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le réalisateur et comédien Maurice Barthélémy.
Ancien membre de la troupe comique Les Robins des Bois sur Canal+ et la chaîne Comédie, Maurice Barthélémy s'est lancé dans une carrière solo. Acteur, mais aussi et surtout réalisateur et scénariste, c'est en 2004 qu'il s'impose avec son premier long métrage Casablanca Driver, avant de confirmer l'essai avec le film Papa en 2005. Aujourd'hui, il est sur scène avec un spectacle extrait de son récit Fort comme un hypersensible qu'il joue au théâtre de La Pépinière jusqu’à fin décembre.
franceinfo : Fort comme un hypersensible est une conférence-comédie qui bouscule les clichés sur l'hypersensibilité. C’est encore un tabou aujourd'hui ?
Maurice Barthélémy : On en a honte parce qu'il y a beaucoup de gens qui assimilent cela à un trop-plein d'émotivité, alors qu'en fait, c'est un trop-plein d'informations. Ce que j'ai essayé de faire au travers du bouquin et ce que je vais essayer de faire au travers de la conférence, c'est justement de dire non, il y a un malentendu, c'est simplement qu'on a une perception trop forte. Évidemment qu'il y a des hypersensibles hyperémotifs, mais ce n'est pas le cas de tous.
Avez-vous mis du temps à comprendre que vous souffriez d'hypersensibilité ?
Oui, j'ai pris beaucoup de temps. Je l'ai découvert à 45 ans. J'en ai 52.
À partir du moment où j'ai découvert que j'étais hypersensible, c'était comme un trésor pour moi, c'est-à-dire que je me suis dit : enfin, je mets un mot sur un état que je ne comprenais pas chez moi. Cela a donc été un soulagement, jamais une honte.
Maurice Barthélémyà franceinfo
À quel moment prenez-vous conscience que cette hypersensibilité fait partie de vous ?
C'est vrai que quand j'étais gamin, c'était compliqué. J'étais un enfant hyper angoissé. J'ai eu une perception de la mort très tôt. J'avais un peu peur de la bombe atomique. Je vivais à 60 kilomètres de Paris, près de Compiègne, et j'étais persuadé que la bombe atomique allait tomber sur Paris et qu'on allait tous mourir. Donc ça m'a empêché de dormir. J'avais développé des TOC et j'avais aussi des rituels avant de me coucher. Bref, ma vie de gamin était un peu compliquée.
En plus, j'avais un imaginaire particulier. Comme je vivais dans un village picard, cet imaginaire n'était pas forcément bien vu. Il y avait un décalage permanent. Je ressentais ce décalage et ça m'a duré toute ma vie. Heureusement, à partir du moment où j'ai décidé de faire de ce décalage un métier, c'est devenu plus cohérent pour moi. Quand j'ai intégré les Robins des bois, pour le coup, il est devenu plus logique.
Votre père vous a apporté vraiment une base très solide. Diplomate, menuisier, ethnologue, il est passé par tous les métiers et votre maman était conteuse haïtienne. Cette dualité, on la retrouve dans votre personnalité.
Oui, c'est vrai. C'est-à-dire que je suis à la fois clown et en même temps hyper sérieux. Ma fille ne me connaît que comme quelqu'un de sérieux. C'est drôle parce que quand elle tombe sur des vidéos des Robins, elle ne fait pas du tout l'association entre son papa et ce garçon qui est en petite culotte à froufrous.
Je suis à la fois quelqu'un d'assez intériorisé et de très extériorisé, c'est ma dualité.
Maurice Barthélémyà franceinfo
À quel moment trouvez-vous votre voie ?
Je dirais que j'ai découvert ma vraie voie à partir du moment où j'ai réalisé des films. Je me suis rendu compte que j'étais mieux derrière une caméra que devant et que je préférais raconter des histoires que de les jouer. Alors après, ça ne m'empêche pas de jouer de temps en temps. Mon vrai équilibre c'est d'être réalisateur.
Dans votre parcours, Isabelle Nanty est assez déterminante.
Elle est très importante, c'est un peu ma marraine comme dans Cendrillon. Isabelle, c'est ma fée, je l'ai rencontré au cours Florent, elle était notre prof. Par la suite, elle a joué dans la pièce Robin des Bois puis je l'ai fait jouer dans Casablanca Driver. Il y a une sorte de fidélité mêlée de bienveillance de la part d'Isabelle vis-à-vis du groupe qui est remarquable. Oui, elle a changé ma vie. Elle est très, très importante pour moi.
Scénariste, auteur, réalisateur. Comment avez-vous vécu cette notoriété puisqu'avec Les Robins des bois vous étiez dans un groupe, un peu caché ?
Oui, j'étais planqué et c'était super pratique. Aujourd'hui, franchement, elle est très facile puisque déjà, je ne suis pas quelqu'un d'extrêmement connu. Et puis, en plus, j'ai toujours une casquette sur la tête, planqué derrière mes lunettes, maintenant, on a un masque, donc je le vis encore mieux. Mais on ne peut pas se plaindre d'être reconnu dans la rue si on a tout fait pour. La plupart des gens qui viennent me voir et ça n'arrive pas tous les jours sont extrêmement bienveillants. Donc je le vis bien.
Vous avez écrit un livre J'ai passé ma vie à chercher l'ouvre-boîtes (2001). On a l'impression que vous l'avez enfin trouvé en réussissant à savoir par quel bout raconter votre vie, qui vous êtes.
C'est très juste. C'est exactement ça. Je crois que j'ai trouvé l'ouvre-boîtes. Après, je n'ai pas forcément trouvé la manière d'ouvrir la boîte.
Ça fait du bien d'aider ?
C'est un bonheur et j'ai envie d'être de plus en plus utile. Pas simplement par rapport à l'hypersensibilité, mais sur des causes importantes. C'est la raison pour laquelle, j'ai fait un documentaire sur les chimpanzés qui passera prochainement sur Ushuaïa TV, c'est-à-dire que j'ai envie de me consacrer à d'autres causes que la mienne.
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