"Poète, je ne sais pas, libre, j'en suis sûr !" : le cinéaste Pascal Thomas se dévoile dans l’ouvrage "Souvenirs en pagaille"
Pascal Thomas est réalisateur, scénariste et producteur. Tout a débuté adolescent quand il a créé son premier Ciné-club avec son professeur de français. Puis, ce fut une revue de cinéma suivie par le journalisme, la bande dessinée et enfin par la réalisation et l'écriture de scénarios. On pense aux films : Les Zozos en 1972, Le Chaud Lapin en 1974 ou encore La dilettante en 1999 avec Catherine Frot. En 2008, l'Académie française l’a honoré du Grand Prix du cinéma.
Le 17 janvier dernier, sortait son nouveau film, Le voyage en pyjama, et aujourd’hui, il publie Souvenirs en pagaille aux éditions Séguier, une série d'anecdotes recueillies bien malgré lui par Alain Kruger et Jean Ollé-Laprune.
franceinfo : Au début, vous ne souhaitiez pas faire ce livre. Qu'est-ce qui vous a fait craquer ?
Pascal Thomas : L'insistance, peut-être, de l'éditeur Bernard de Fallois, qui était un ami très cher et qui avait voulu faire ce livre. J'étais un peu réticent et finalement Kruger et Ollé-Laprune ont repris la chose, mais je ne voulais toujours pas. Ils ont fait un premier choix, ça me barbait. Et puis ils ont quand même insisté, j'ai relu les 60 premières pages et j'ai dit : allez-y, choisissez ce que vous voulez.
"Ils ont fait ce livre avec des anecdotes. J'en ai lues, il y a une quinzaine de jours, et j'ai trouvé ça très agréable. Je trouve cela assez vif. Il n'y a pas de pensées, il n'y a que des anecdotes."
Pascal Thomasà franceinfo
Ces souvenirs démarrent sur l'une de vos citations : "Le tournage d'un film est une aventure comme la vie quotidienne, mais pas plus". Que représente le cinéma pour vous ?
C'est d'abord été un spectacle enrichissant, constant. Depuis l'enfance, j'ai vu à peu près 20 000 films avec ma cinéphilie. Quand mon père est mort, j'avais six ans, je suis devenu myope, bègue et tuberculeux donc je me suis retrouvé en sanatorium pendant un an et j'ai beaucoup lu Alexandre Dumas, Stevenson, etc. Et après, en revenant à Paris, on avait une cousine, la cousine Louise, qui adorait le cinéma et on allait tout le temps au cinéma. On ne voyait que des westerns. Et après, il a fallu travailler et je suis devenu journaliste.
Et c'est là que vous avez commencé à raconter des histoires. Pas les vôtres, mais celles des autres. J'ai l'impression que c'est là que vous découvrez aussi cette envie d'écrire vos propres histoires.
Le journalisme a quand même duré sept, huit ans. J'écrivais un roman sans y parvenir. Pourquoi ? Je rencontrais beaucoup de difficultés pour les descriptions. Et un jour, j'ai réalisé une série de portraits pour le journal Lui qu'avaient déjà fait Hitchcock, Truffaut, Claude Berri et Melville. Et un jour, chez Claude Berri, il y avait une table basse avec plein de scénarios posés dessus et en lisant, j'ai remarqué que dans un scénario, il y avait des notes : "Intérieur jour, studio de radio et le metteur en scène est assis devant celle qui va l'interviewer" et hop ! Le dialogue. J'ai trouvé ça bien parce qu'il n'y avait pas de descriptions dans un scénario. Alors, il m'a suggéré d'en écrire un. J'ai pris un épisode de ce livre qui s'est transformé en film. J'ai écrit un petit scénario la nuit. Je l'ai donné à Claude qui l'a donné à son directeur de production et quatre mois après, je l'ai au téléphone : "Pascal, Pascal, on a la plus grosse avance qu'on ait jamais eue pour faire un film" et voilà comment j'ai commencé. On a réalisé ce film et c'est Truffaut qui m'avait dit : "Écoutez Pascal, il vaudrait mieux raconter vos histoires de lycée". Et donc j'ai raconté ces histoires de lycée sur le conseil de Truffaut, et c'est devenu Les Zozos.
Ce qui ressort dans vos films, c'est toute l'éducation et tout ce que vous ont transmis vos parents. Votre père vous avait dit : "Ne dénonce jamais personne". Votre mère fait aussi partie de vos films. D’ailleurs, vous vous êtes rendu compte, au moment de la sortie de La Dilettante, à quel point le personnage principal ressemblait à votre mère… Avec cette liberté. Vous l'a-t-elle transmise ?
Oui, je pense. Elle avait une liberté considérable. Elle inventait des mots. Une fois, je la rencontre rue de Sèvres, je lui demande ce qu'elle fait là, elle me répond : "Je bade". Mon père, quant à lui, comme beaucoup d'adultes nés à Saint Chartres, nous emmenait, enfants, à Oradour-sur-Glane, qui était toute proche, pour redire l'horreur des dénonciations. Et en sortant, j'ai cette phrase encore en tête qui résonne vraiment de façon très particulière : "Tu entends Pascal ? Tu ne dénonces jamais".
Vous considérez-vous un peu comme un poète ?
Comme un prosateur, comme un cinéaste... Un poète, je ne vois pas.
Alors comment vous définissez-vous ?
Je ne me définis pas ! Rigolo, un Zozo, j'ai commencé par ça.
Le film, Le voyage en pyjama vient de sortir. Ce professeur de lettres, Victor, aime à croquer la vie à pleines dents. Il va dans des endroits qui lui rappellent le cours de sa vie. Il a cette liberté. N'est-ce pas la définition de ce que vous êtes avant tout, un homme libre ?
Ah ça, je le pense. À contre-courant, certainement libre. J'ai toujours ouvert et trop ouvert d'ailleurs. Je me suis attiré des ennuis pour ces raisons-là, pareil pour mon comportement. Dans ma vie sentimentale, ça a été compliqué pour les autres. Poète, je ne sais pas, libre j'en suis sûr !
Retrouvez cette interview en vidéo :
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.