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"On appartient à ceux qui nous aiment" : Yannick Noah raconte son lien éternel avec son grand-père dans "Simon Papa Tara"

L’ancien tennisman, chanteur et chef de village au Cameroun, Yannick Noah est l’invité exceptionnel du Monde d’Élodie, toute cette semaine sur franceinfo. Il revient sur les moments forts de ses carrières en évoquant cinq de ses chansons devenues cultes. Son dernier album "La Marfée" est sorti en octobre 2022.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Yannick Noah à Taden, en Bretagne, le 29 avril 2023. (LAURENT RIVIER / MAXPPP)

Yannick Noah chante, coache, fait du sport et est chef de village au Cameroun. Il est finalement inclassable, indomptable. Il est le seul sportif professionnel français à avoir réussi à construire une carrière musicale. Plusieurs générations le suivent et le soutiennent. Les anciens voient d'abord en lui, Roland-Garros et sa victoire en 1983 puis les plus jeunes le voient comme un chanteur grâce à ses albums et ses concerts depuis 1991.

Aujourd'hui, le Cameroun rappelle Yannick Noah, en tant que chef de village Ce Cameroun qui lui a permis de découvrir le tennis, la musique et qu’il a été obligé de quitter, quand il avait 12 ans, pour poursuivre une carrière sportive. On revient avec cet artiste qui aime la vie sans contraintes et qui ne fonctionne qu'à l'instinct sur ses victoires sportives, sur ses choix de vie qui lui ont permis de se créer une carrière atypique, solide, constante. Son dernier album La Marfée  est sorti en octobre 2022.

franceinfo : C'est en 1978 que vous allez démarrer une carrière professionnelle. Vous allez remporter vos premiers tournois à ce moment-là. Il y a Manille, Calcutta et surtout Johannesburg en pleine période de l’Apartheid. C'est incroyable ce qui va se passer. Les Blancs vont quitter les gradins et il y a un tout petit espace pour les Noirs... Vous allez décider de ne rien lâcher.

Oui, c'était un voyage initiatique. C'est Arthur Ashe qui a réussi à m'avoir une invitation pour le tournoi. J’arrive avec l’équipe de France et puis, on est en train de faire la queue à la douane en arrivant. Et puis, tout d’un coup, on vient me chercher parce que je suis dans la mauvaise file. Moi, je suis dans la file des "non white". Donc mes potes passent en un quart d’heure et puis moi, je mets deux heures pour passer. Je me retrouve à l’hôtel et puis à l’hôtel, j’avais une chambre particulière où il y avait un policier devant ma chambre, 24/24.

"À Johannesburg, en plein Apartheid , les matches commençaient à 14h00, mais on me faisait jouer à midi pour être sûr qu'il y ait le moins de monde possible. Et il y avait une petite cage où il y avait les 'non-white'. Il y avait donc 8 000 places vides et une cage de 300 avec 500 personnes là-dedans !"

Yannick Noah

à franceinfo

On appartient à ceux qui nous aiment et à ce moment-là, j'avais 500 supporters qui me donnaient cet amour inconditionnel par rapport à ma négritude. C’était le Noir qu’ils voyaient en moi, en tout cas le "non-white". Et je me suis dit : OK, c'est important pour moi, mais c'est aussi important pour eux que je joue et que je sois digne sur le cours.

Vous allez aussi conduire l'équipe de France de Coupe Davis en finale contre les États-Unis. Là, on comprend aussi que vous avez ce mental.

Je voulais gagner. Je voulais prouver qu'un joueur français, camerounais pouvait gagner. J'ai trop entendu pendant toute ma carrière que ce n'était pas possible. Je veux être le numéro 1 Français et vite ! Mais après, ce n’était pas suffisant parce que, je crois que j’ai été numéro 1 j’avais 19 ans, ce n’était pas suffisant, car j’étais l’espoir… Tu imagines être l’espoir ? Bonjour, c’est l’espoir !

"J’étais l’espoir des autres. J’étais aussi mon propre espoir. J’avais cet espoir. J'avais cette envie, ce rêve profond de gagner à Roland-Garros et c’était vraiment mon rêve." 

Yannick Noah

à franceinfo

On est le 5 juin 1983, effectivement, c'est la consécration. Votre premier geste est de saluer Mats Wilander, mais surtout, vous cherchez votre père !

Mon regard était attiré par mon père qui sautait. C'est haut ! Papa ne fait jamais ça, mes parents sont hyper discrets. Ils ont été top, ils n'ont jamais été sur le bord du court à me mettre la pression, emmerder les arbitres, les entraîneurs ou qui que ce soit. J'étais tellement surpris de voir papa sauter et puis il tombe sur le dos et il arrive en courant. Mais forcément, c'était une très bonne idée.

Ça, c'est une victoire de famille finalement ?

Oui, c'est toujours une histoire de famille. Il y en a qui en parlent ou qui n'en parlent pas. Il y en a qui ne comprennent pas, mais à la fin, c'est toujours une histoire de famille. On ne peut pas arriver à ce niveau-là sans avoir un entourage qui comprend le parcours. Quand tu gagnes, tu gagnes aussi pour eux et on gagne un peu ensemble et ça créé une émotion très puissante. Et cette émotion, il y a 40 ans, les gens l’ont vécue en direct. C’est un des plus beaux jours de ma vie. J’ai le film et c’est fabuleux d’avoir le film du plus beau jour de ta vie.

J'aimerais que vous me parliez de la chanson Simon Papa Tara (2000). Je trouve qu'elle se prêtait justement à tout ce qu'on vient de dire.

Simon Papa Tara, c'est le lien avec mon grand-père. Au Cameroun, dans beaucoup pays d’Afrique, on a une relation normale et simple avec les défunts parce que la notion de karma est vécue au quotidien. Et mon grand-père m'a toujours dit : "Tu sais, quand je serai parti, je serai toujours là". Bon moi, j'ai fait mes études en France, j'ai dit : oui, d'accord, je l'aime beaucoup mon grand-père, mais il délire quoi. Puis un jour, il part et mon père me dit : "Tu sais, je vois toujours mon père", ok papa, ton père te manque, je comprends ! Jusqu'au jour où je rencontre mon grand-père, un matin tôt. : "Tu es venu ce matin, à l'heure où la nuit meure. Tu es venu de si loin d'où la mort ne fait plus peur" et puis je n'ai pas peur du tout, mais c'est un truc incroyable.

Je raconte cela à un ami, Robert, qui m’écrit cette chanson. Et c’est assez incroyable de me retrouver à chanter, il y a quelques années, Simon Papa Tara et le refrain : "Oui, je sais que tu es en moi" devant 80 000 personnes qui reprennent : "Simon Papa Tara". C’est fort. C’est une connexion très forte. Voilà, c’est la mémoire de mon grand-père que je vis, moi, différemment de par le côté traditionnel et mes croyances africaines. Et aussi, de par sa mémoire tout court.

Yannick Noah sera le 31 juillet 2023 au Festival Game of Trees aux Orres et le 10 septembre à Comines dans le cadre du Lys Festival.

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