Nicole Garcia donne des représentations exceptionnelles de la pièce "Royan - La professeure de français"
Nicole Garcia est actrice, scénariste et réalisatrice. Une artiste a plusieurs casquettes, soucieuse d'apprendre, de s'amuser, de conserver sa curiosité et le plaisir du jeu. Nommée à six reprises aux César pour six César différents, elle reçoit celui de la meilleure actrice dans un second rôle pour le film Le Cavaleur de Philippe de Broca en 1980. En tant que réalisatrice, les rapports humains sont au cœur de son travail. Elle est sur scène pour des représentations exceptionnelles de la pièce : Royan - La professeure de français, du 17 au 28 avril au Théâtre de Paris.
franceinfo : Ce spectacle a été écrit pour vous par Marie NDiaye. Fière de l'intérêt qu'elle vous porte, fière qu'elle ait mis son écriture à votre disposition ?
Nicole Garcia : Très incroyable. C'est une commande qu'on lui a faite, d'écrire pour moi. Et quand elle a dit : "Oui", j'étais très honorée. Je ne savais pas ce qu'elle allait écrire. C'est une sorte de pari qu'on faisait. Elle a pris deux trois éléments biographiques : je suis née à Oran, j'ai connu l'exil et puis je suis blonde. Cette professeure est blonde et elle se sert de cette blondeur comme un casque de protection. Elle est prof et le problème est dans sa classe. On sait la violence qu'il peut y avoir dans une classe. Une classe c'est un peu comme une chambre d'échos de toutes les violences extérieures et des élèves peuvent être harcelés. Une élève, une adolescente est harcelée par les autres. Et ce qui est étrange, c'est que la professeure que je suis, laisse faire. C'est le secret de cette professeure, de l'élève et de ce qui s'est passé dans cette classe. Comme un petit théâtre.
"Une classe c'est un petit théâtre. Tous les professeurs vous le diront. Et c'est ça que raconte Marie NDiaye dans ‘Royan - La professeure de français’."
Nicole Garciaà franceinfo
Ça fait froid dans le dos parce que cette pièce très actuelle. Est-ce que vous le ressentez sur scène ?
Oui. Comme c'est un écrivain qui a la force du théâtre et du spectacle parce que c'est un spectacle, il n'y a pas la question de la faute. Marie NDiaye montre simplement, pour qu'un fait divers advienne, que le drame advienne, quels sont les événements qui sont en place. La collusion des destins qui fait que tout d'un coup, il y a cette déflagration qu'on appelle un fait divers. On voit le fait divers de manière différente parce qu'on voit quel est le secret des personnalités qui sont là et qui vont permettre que ça advienne. Quand ce prof rentre chez elle un jour et que dans la cage d'escalier, elle sent qu'il y a des gens qui l'attendent, elle ne veut pas voir ces gens. Ce sont les parents de cette adolescente qui viennent lui demander des comptes et elle dit qu'elle n'a rien à voir avec tout ça. Elle commence comme une sorte de garde à vue intime. Et puis tout d'un coup, elle va dire : "Si, je n'ai pas vu". Après elle dit : "Je n'ai pas su voir" et puis, elle va dire comment elle s'est sentie trop fragile pour aller contre la meute des élèves. Et peu à peu, elle va encore aller plus loin et dire ce qui s'est passé, en fait, entre cette adolescente et elle.
Il y a deux choses qui vous ont "sauvée" en tout cas, vous présentiez que ça allait vous sauver. Il y a la lecture et puis il y a effectivement ce métier d'actrice. Est-ce qu'ils vous ont sauvé au final ?
Le métier d'actrice, c'est sûr que cela m'a sauvée. Enfin, je ne sais pas de quoi cela m'a sauvée... Quels auraient été les abîmes où je serais tombée, mais en tout cas, on a un génie, et c'est partagé par beaucoup de monde, qu'on sait ce qui va vous sauver. On a cette intuition et je me suis dit un jour je serai actrice alors que je ne savais pas du tout... Ma famille était très éloignée de ça, je ne savais pas du tout à quelle vie cela allait me préparer. Je crois que le jour où je l'ai pensé dans une rue à Oran, trois mètres plus tard, je n'y pensais plus. Mais cette phrase était en moi et elle a déterminé tout mon chemin entre 13 ans et le jour où j'ai été admise au Conservatoire à Paris. Et j'ai rencontré un jour une professeure de français. Je parle souvent d'elle parce que je l'ai eu, en troisième ou en quatrième, qui est arrivée de France en Algérie, qui avait vu Gérard Philipe, qui avait vu le Théâtre National Populaire. Je crois que pas mal de ce désir s'est cristallisé sur elle. Ça a été comme une brèche ou une première porte.
Finalement, quand on regarde bien, les rôles qu'on vous a confiés étaient toujours incarnés. Et après, il y a eu ce besoin de réaliser. Il y a eu 15 août, c'est un coup de foudre. C'est-à-dire que vous prenez conscience sur la table de montage de ce court métrage que vous avez envie de raconter des choses qui vont toucher à la vérité et que donc vous êtes constituée comme ça.
"Je sais ce que c'est de dire : ‘Coupez, Moteur’, voilà , mais c'est au montage de ’15 août’ que le cinéma s'est révélé à moi autrement."
Nicole Garciaà franceinfo
Ça a été une surprise pour moi parce que je suis devenue actrice par vocation. Autant oui, j'ai fait un court métrage comme ça, pour voir ce que c'était parce que j'avais une maison que j'avais louée, qui me plaisait bien. C'était au moment d'une rupture. Je filmais mon petit garçon de cette maison. Et puis un ami, Philippe Le Guay qui est devenu scénariste et metteur en scène, m'a dit : "Écrivons une histoire sinon tu vas ranger cela sur une étagère, c'est idiot, raconte une histoire". Et on a écrit une histoire très vite. Une histoire qui s'appelait 15 août et j'ai ressenti un plaisir moyen à le tourner.
Pour terminer, Nietzsche disait que le sceau de la liberté réalisée est de ne plus avoir honte devant soi-même. Où en êtes-vous aujourd'hui ?
C'est la plus grande bataille qu'on ait à faire. Ça dépend peut-être des enfances qu'on a eues, mais en tout cas pour certains dont je fais partie, ça doit être la plus grande bataille qu'on ait à mener.
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