Marina Hands, marraine du Printemps des Poètes maintenu malgré le Covid-19 : "On ne peut pas se taire"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, la comédienne Marina Hands.
Actrice, comédienne et pensionnaire de la Comédie-Française, Marina Hands a reçu de nombreux prix dont le César de la meilleure actrice pour son rôle dans le film Lady Chatterley de Pascale Ferran en 2007 ou encore le Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre public pour Actrice en 2018. Elle est la marraine de la 23ème édition du Printemps des Poètes du 13 au 29 mars, avec pour thème cette année : le désir.
Elodie Suigo: Cette année, vous êtes la marraine du Printemps des Poètes, qui a lieu malgré la pandémie. C'est un peu d'oxygène dans cette période asphyxiante pour la Culture?
Marina Hands: D'abord, c'était un honneur parce que c'est quand même un évènement très précieux. Et puis oui, on ne nous fermera pas la bouche ! Peut-être qu'on ne nous verra plus et encore, on arrive à se filmer ou à se faire filmer mais en tout cas, on ne peut pas se taire.
Personnellement, c'était un plaisir très égoïste de pouvoir me plonger dans des poèmes, de pouvoir réfléchir au Printemps des Poètes, c'était salvateur.
Marina Handsà franceinfo
Quel lien avez-vous avec la poésie?
C'est un lien qui est lié à l'enfance. J'étais très timide et je n'arrivais absolument jamais ni à poser une question ni à rien. Je ne pouvais pas ouvrir la bouche en public sauf quand on me demandait de réciter un poème. Ça m'a énormément plu et c'était assez rare que je sois contente à l'école sauf quand j'avais des poèmes à dire. Je choisissais les plus longs et les plus difficiles parce que j'étais hyper fière qu'on puisse entendre le son de ma voix parce qu'autrement, c'était compliqué.
Cette 23ème édition du Printemps des Poètes est placée sous le signe du désir. C'est vrai que le désir est au cœur de tout finalement. Vous êtes la fille de l'actrice française Ludmila Mikaël et du metteur en scène britannique Terry Hands indissociable de la prestigieuse Royal Shakespeare Company. Votre père a d'ailleurs eu la dent dure au début quand vous lui avez annoncé que vous vouliez faire ce métier. Il n'était pas forcément d'accord avec vous et vous a dit: "Tu n'as pas assez de vécu".
Absolument. Il a eu la dent très dure tout le temps. Ça a forgé mon désir d'ailleurs ! Je pense qu'il avait vraiment très peur que je sois comme pas mal de jeunes filles qui ont envie de faire "actrice" sans que ce soit réellement fondé. Et comme lui était un passionné qui a dévoué sa vie entière à cette profession, à cet art, il m'a mise à l'épreuve tout le temps, jusqu'à la fin.
Ça vous a manqué puis vous êtes passée à autre chose.
Oui, je suis passée à autre chose parce qu'à un moment le doute devenait trop pesant et j'avais aussi besoin de profiter des chances que j'ai eues et j'en ai eues beaucoup. J'ai rencontré énormément de gens qui m'ont fait confiance très tôt et ce n'était pas bien que je remette toujours en question ces personnes qui m'ont fait travailler et qui continuent encore aujourd'hui.
Et ce sont toutes ces personnes qui vous ont saluée ainsi que votre parcours lorsque vous avez reçu ce César pour Lady Chatterley. Il a quand même sans doute fait basculer pas mal de choses, non?
Oui. J'étais en espoir aussi. L'espoir était donné en tout début de soirée et ce n'est pas moi qui l'ai eu et je me suis dit : "Bon, je ne l'ai pas, ma soirée est finie" parce que je n'imaginais pas une seule seconde qu'en tant que meilleure actrice, ça pouvait passer. En face de moi, il y avait Charlotte Gainsbourg, Cécile de France... J'avais presque retiré mes chaussures ! C'était un des derniers César attribués donc ça a été une surprise inimaginable. C'était inimaginable. C'était très bien et c'est vrai que ça a beaucoup changé les choses après.
Le premier désir que vous aviez, il se situait vraiment avec les chevaux, vous étiez passionnée d'équitation et ça vous a beaucoup servi.
C'est mon éducation. Je viens de la discipline sportive et c'est mentalement une discipline qui m'a forgée et m'a fait comprendre la nécessité des échecs aussi douloureux soient-ils, ce que c'était que de se préparer pour un enjeu, de sacrifier absolument tout pour une passion. Donc c'est vrai qu'après ça m'a poursuivie dans mon métier aussi.
Le théâtre, c'est vraiment un des exercices qui vous attire le plus, vous êtes revenue à la Comédie Française. C'est ce phénomène de famille?
C'est plus le phénomène d'immersion. Si j'ai trois mois minimum de travail en immersion, ça me va sinon il me manque quelque chose. J'ai besoin que l'os à ronger soit gros et le théâtre, oui, j'avais besoin de revenir pour les textes, pour la poésie, pour repartir dans les classiques. J'en avais un peu marre de dire: "Passe-moi le sel!", enfin c'est l'expression consacrée mais je ne sentais plus grand chose.
C'est-à-dire qu'au cinéma, vous le dites, on vous a proposé aussi beaucoup de rôles fades. Vous aviez besoin de consistance, d'incarner quelque chose, de faire avancer les choses de par la personnalité des personnages qu'on vous confiait?
Je suis partie dans des chemins de traverse parce que je m'ennuyais horriblement.
Marina Handsà franceinfo
Il y a plus d'offres quand on est autour de 20, 30 ans et après ça devient quand même très stéréotypé, c'est la femme de ou alors c'est le second rôle rigolo. Et les rôles féminins à 40 ans il y en a peu, on est tellement d'actrices à se battre pour les avoir... Ils ne sont pas tombés entre mes mains en tout cas et ça m'a un peu dégoûtée. Le cinéma tient tellement la pole position pour les acteurs alors que, dans le fond, est-ce que c'est si satisfaisant que ça, je ne sais pas. Et j'ai osé me le formuler à moi-même et me dire: "Non, je vais dire non, je ne vais pas faire des trucs qui ne me plaisent pas".
Heureuse du parcours déjà accompli?
Je ne sais pas, je ne regarde pas en arrière. J'oublie assez vite. Mais je suis heureuse aujourd'hui ! C’est vrai que je sens une harmonie, ça va !
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