Marina Carrère d’Encausse, entre passion de la médecine et épanouissement par l'écriture
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, la médecin-échographiste, animatrice de télévision et romancière Marina Carrère d’Encausse pour son premier polar : "Les enfants du secret" aux éditions Héloïse d’Ormesson.
Les enfants du secret est un vrai polar dans son écriture incisive, sa trame implacable. Et à la violence qui en émane, Marina Carrère d’Encausse y ajoute en fil conducteur, celui des traumatismes de l’enfance, un sujet qui lui tient particulièrement à cœur. Cette figure incontournable de la télévision, en particulier dans le domaine de la santé, écrit avec son regard de femme, de médecin et constate que l’aide à l’enfance n'est pas un sujet à la mode actuellement. Elle regrette notamment la disparition du Défenseur des enfants au profit du Défenseur des droits : "il y a quand même quelque chose de pas tout à fait normal que l’enfance ne soit pas au centre de nos priorités alors que c’est l’avenir de notre pays".
Enormément de choses dramatiques qui se passent aujourd’hui dans des vies sont liées à l’enfance, à des blessures connues pas connues, secrètes pas secrètes, cachées ou pas. Beaucoup d’actes aujourd’hui ont leur origine dans l’enfance, c’est ce qui m’intéressait.
Marina Carrère d'Encausseà franceinfo
Les enfants du secret démarre par la découverte du corps inanimé d’un jeune homme métis affreusement mutilé puis d’un autre, décédé à quelques encablures, tous deux non-identifiables. Les choses s’intensifient lorsque le médecin légiste lui-même succombe à une fièvre hémorragique après l’autopsie. Et c’est à une femme, le commandant de la Crim’ Marie Tebert qu'est confiée l'enquête, entre la Creuse et la Réunion. Une héroïne plutôt qu’un héros : "Il va peut-être falloir que je change mais je connais mieux les femmes que les hommes !"
De son enfance, Marina Carrère d’Encausse a peu de souvenirs. "Mais un de mes rares souvenirs, quand je devais avoir 8 ou 9 ans, c’est que je voulais découvrir le vaccin contre le cancer". À cette époque elle lit déjà les livres d’Archibald Joseph Cronin (médecin et écrivain anglais, 1896-1981). Plus grande, elle se tourne donc vers l’univers médical : "Je suis allée là parce que c’était la seule chose que personne n'avait faite dans la famille et je voulais être tranquille ! Donc je suis partie vers la médecine, mais honnêtement sans, au début, savoir quelle passion ça allait être". Ce choix de la différence est volontaire car il n’est peut-être pas si simple de s’épanouir au contact de fortes personnalités publiques, comme sa mère, l'historienne et académicienne Hélène Carrère d’Encausse et son frère Emmanuel Carrère, lui-même considéré comme un très grand romancier.
L’écriture en héritage ?
L’écriture dans les gènes, l’enfance en fond d’écran : tout semble se rejoindre dans Les enfants du secret avec en plus, des parts d’elle-même couchées sur le papier sans qu’elle s’en rende compte. Le goût de l’hôpital évoqué dans cet ouvrage est issu de ses propres souvenirs. Ceux consécutifs à un grave accident de voiture alors qu’elle n’a que 24 ans : "C’est totalement inconscient. Il y a effectivement les bruits, les odeurs, tout ce que j’ai vécu plus en tant que patient qu’en tant que médecin qui sont ressortis." Cette épreuve reste un traumatisme pour elle mais aussi une richesse "parce que je ne serai pas ce que je suis aujourd’hui sans cet accident." Cette épreuve change d’abord sa vision vis-à-vis de ses patients mais aussi de l’existence en général : "On la voit autrement, ça laisse une faille."
J’ai commencé à écrire, je devais avoir 20 ans. J’ai un nombre de premiers chapitres dans mes tiroirs qui est absolument incroyable !
Marina Carrère d'Encausseà franceinfo
Elle hésite longtemps avant d'oser se lancer dans l'écriture. Son manque d’assurance la paralyse. Quelle place entre sa mère et son frère ? "Comment j’allais être comparée ? En plus, la fille de la télévision qui débarque avec un roman... Je pensais vraiment me faire assassiner donc j’ai très longtemps hésité."
À la cinquantaine, elle se libère enfin de ce carcan et elle ose : "Si je n’y vais pas maintenant, je ne le ferai jamais. Et j’ai tellement envie de ne faire un jour qu’écrire. Je me suis dit : 'Ce n’est pas possible que je passe à côté de ça'." Elle publie un premier roman (Une femme blessée en 2014) "en me disant : 'Si je me fais détruire, j’arrêterai ou j’écrirai pour moi' et je n'ai reçu que de la bienveillance. Depuis je me dis que j’ai un avenir devant moi tellement fascinant !"
Des doutes, toujours
Marina Carrère d’Encausse est tenace, elle a su mener sa barque à la télévision même si ce n’est pas toujours facile d’être une femme dans ce milieu. Son manque de confiance en elle perdure quand même un peu : "J’évite de m’écouter, de m’entendre, de me regarder, oui je n’aime pas". Intérieurement, elle confie se sentir comme un imposteur avec cette peur intrinsèque d’être démasquée, qu’on va se rendre compte qu'elle n'est pas capable : "C’est très fatigant cette position mais je l’ai toujours eue". Ses doutes ne l’empêchent tout de même pas de profiter de la vie : "Je profite de tout ce qui m’a été donné. Mais moi par rapport à moi-même, ça reste compliqué".
L’écriture finalement a été à peu près la seule chose qui m’ait rassurée parce que c’est la seule chose que je fasse tout seule et pour l’instant ça marche !
Marina Carrère d'Encausseà franceinfo
Marina Carrère d’Encausse s’affranchit donc peu à peu du regard des autres, tout en s'y soumettant par l’écriture et ça fonctionne ! Elle a déjà mille idées en tête pour son prochain livre que l’on attend avec impatience.
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