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Les confidences de François Berléand : "Enfant, ce n'est pas que je me sentais différent, c'est que je ne me sentais pas du tout à ma place"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, le comédien, François Berléand. Ce mercredi 21 juin 2023, il est à l'affiche du film "Magnificat" de Virginie Sauveur aux côtés de Karin Viard.
Article rédigé par franceinfo, Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le comédien François Berléand, en juin 2021. (LOIC VENANCE / AFP)

François Berléand est l'un des acteurs les plus appréciés, reconnus du cinéma français. Son regard et sa voix si emblématique ont d'ores et déjà marqué les esprits. Au départ, il y a eu un coup de cœur avec les planches puis le public le découvre tardivement au cinéma, en 1997, avec le film Le septième ciel de Benoît Jacquot, qui lui a valu d'ailleurs un César, celui du meilleur acteur dans un second rôle. Sa carrière est bien remplie, entre le théâtre, la télé et le cinéma, avec toujours cette passion forte pour le jeu. Ce mercredi 21 juin 2023, il est à l'affiche du film Magnificat de Virginie Sauveur aux côtés de Karin Viard. Le film a été réalisé d'après le roman Des femmes en noir d'Anne-Isabelle Lacassagne, sorti en 2017.

franceinfo : Dans Magnificat, vous jouez le rôle d'un évêque et vous apprenez que l'un de vos prêtres vient de mourir n'était pas un homme mais une femme. Évidemment, cela va créer un énorme tollé au sein de l’Église. Il va falloir mener une enquête extrêmement secrète. Ce film  est-il une main tendue pour faire en sorte d’ouvrir le débat et de peut-être faire évoluer les mentalités ?  

François Berléand : J’espère en tous cas que cela pourra éveiller quelques consciences. La question que je me pose, c'est vraiment pourquoi ça n'a jamais évolué au fil des siècles ? Pourquoi l'Église catholique est toujours en rejet de la femme par rapport à la prêtrise ? On apprend dans le film que le prêtre représente Jésus, et donc il ne peut pas y avoir une autre incarnation que l'homme.

Mais pourquoi les femmes ne pourraient pas transmettre le message de Dieu puisqu'elles transmettent la vie ? Il y a Marie aussi et elle est aussi importante que Jésus. S’il n’y avait pas eu Marie, il n’y aurait pas eu Jésus.

François Berléand

à franceinfo

Il est beaucoup question de famille dans ce film. Quel rôle a joué votre famille dans votre évolution, dans le choix aussi de ce métier d'acteur.

Assez bizarrement, du côté maternel, c'étaient plutôt des musiciens. J'ai fait un peu de piano et à un moment donné comme j'avais un petit peu de talent, mais pas beaucoup, j'ai appris relativement tard, j'ai un prof qui tout à coup a décidé que je pourrais entrer au conservatoire. Il voulait me prendre deux à trois heures par jour. J'étais très content qu'on me propose ça sauf que j'ai eu une petite voix qui m'a dit : "Non, tu ne vas pas faire ça, il y a les copains, il y a tout ça... Et puis c'est peut-être pas pour toi".

Et après, dans l'école de commerce dans laquelle j'étais, il y avait un groupe théâtre et ce groupe est arrivé et puis j'ai enchaîné là-dessus. Je suis monté sur scène et là, la petite voix m'a dit : "Voilà, c'est ça que tu vas faire". Et je me suis rendu compte bien après que certainement la petite voix, c'était celle du grand-père paternel, juif décédé à Auschwitz qui avait mis en scène des pièces de théâtre. J'ai appris que ma babouchka, ma grand-mère était comédienne, avocate et comédienne. Et puis voilà, tout à coup, je me suis dit : je reprends le flambeau, comme m'a dit mon père : "Tu reprends le flambeau" et c'est là où j'ai appris tout ça.

Ce métier vous comble ?

Avec ce métier, j'ai exploré la nature humaine.

François Berléand

à franceinfo

Oui. C'est vrai que jouer au cinéma ou au théâtre, ça fait explorer la nature. J'ai joué des méchants, des faibles, des lâches, des sachants ou tout ce qu'on peut et c'est formidable d'avoir cette capacité à avoir jouer tout ça. Et surtout, je me rends compte que le public s'identifie tellement au personnage comme quand j'avais fait Les choristes en 2004. Après dans la rue, on me disait : "C'est le méchant directeur des Choristes". J'avais ça à longueur de journée donc c'est très, très drôle.

Se faire accepter comme on est, c'est aussi au centre de ce film avec sa sexualité, le regard qu'on a sur le monde, avec la capacité qu'on a à s'accepter. Se faire respecter tel qu'on est n'est jamais simple. Vous vous sentiez différent quand vous étiez enfant ou pas ?

Ah oui, c'était terrible. Ce n'est pas que je me sentais différent, c'est que je ne me sentais pas du tout à ma place. Mais cette parole terrible de mon père, qui était de l'humour évidemment, vous êtes le fils de l'homme invisible. Sur le coup, je ne l'ai pas compris et c'est pour ça que je me suis perdu dans un monde inouï parce que je pensais que j'étais invisible. Ça m'a posé évidemment beaucoup de problèmes dans ma jeunesse. Bon, il faut avoir un esprit un peu malade !

Aujourd'hui, vous semblez être bien dans vos baskets.

Oui, ça c'est la fin de vie maintenant ! Je me suis dit qu'il fallait faire avec !

C'est-à-dire que vous pensez à la mort ?

Je ne pensais qu'à ça. De 20 ans à 50 ans, je pouvais me réveiller en pleine nuit et pousser des grands cris parce que l'angoisse terrible de l'éternité.

Pour terminer, est-ce que le petit garçon que vous étiez est donc heureux de l'homme que vous êtes devenu au fil du temps ?

Oui, je suis assez imparfait, comme tous les hommes ! J'ai beaucoup de défauts, mais j'ai quelques qualités de bienveillance et d'amour du prochain. Le fait d'être athée fait que j'ai trop de respect pour la vie. Je ne pourrais pas tuer au nom de Dieu. En son nom, alors c'est ridicule de dire ça parce que tout le monde le dit, on a tué tellement de personnes et on continue. Voilà, il faut se poser les vraies questions.

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