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Le monde d'Elodie. Martin Weill : "Le monde d'après se fait maintenant"

Cloué à Paris, le journaliste globe-trotter doit inventer de nouvelles façons de travailler.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Martin Weill présente ses reportages sur TMC, dans une émission qui porte son nom.  (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Elodie Suigo : Journaliste, reporter surnommé "Tintin" dans les médias, vous êtes ancré dans la famille des reporters français, vous passez votre vie aux quatre coins de la planète et là, c’est un arrêt brutal, comment le vivez-vous ?

Martin Weill : C’est vrai que c’est très particulier. Moi, j’ai l’habitude d’être un petit peu partout pour couvrir ce qui se passe dans le monde et là, je le découvre via ma télé, via mes écrans, via mon téléphone, donc oui, ça change beaucoup de choses et notamment sur la façon qu’on a de bosser. Nous on tourne des documents à l’étranger. Là, ce n’est plus possible, ça implique de réfléchir à la façon différente dont on va bosser. 

Vous êtes très axé sur les États-Unis, quel est votre regard sur le virus ?

 Le virus, pour l’instant en tous cas, polarise le monde. On voit des régimes comme celui de Donald Trump ou comme celui de Viktor Orban en Hongrie, qui se referment sur eux-mêmes et dans le même temps, on voit d’autres régimes qui eux appellent à plus de relations internationales, donc je pense qu’il y a deux façons de faire de la politique qui sont encore plus exacerbées par cette crise.

Vous devriez être aux Etats-Unis en ce moment...

On était en train de faire une série documentaire sur les élections américaines, donc évidemment elles sont à l’arrêt. De toute manière, on ne peut plus aller aux Etats-Unis. Je devais y aller trois jours avant qu’ils ne se décident à fermer les frontières, donc oui, ça change beaucoup de choses et ce qui est un peu rageant pour nous, c’est que ce qui se passe là-bas révèle le système américain et on aimerait beaucoup être là-bas pour le couvrir. Après, il y a d’autres façons de le couvrir et on est en train de tourner une émission sur le rêve américain, cette notion de réussite à l’américaine. Ce qui est assez dingue, c’est qu’en fait, quand on se replonge dans les rushes ; d’il n’y a pas longtemps, d’il y a deux mois, toute cette notion de réussite à l’américaine est questionnée par la crise. Le champion de ce rêve américain à l’ancienne, c’est Donald Trump et on en voit bien les limites. Au delà de la personnalité de Trump, sur lequel il y a énormément de choses à dire et ça en dit aussi beaucoup sur ces régimes populistes ; on le voit aussi dans le Brésil de Bolsonaro, où la gestion de la crise se rapproche de la gestion -ou plutôt de la non gestion d’ailleurs- de Donald Trump, mais cette notion de l’individualisme et du matérialisme et tout ce que ça implique, on se rend compte aujourd’hui que c’est un modèle qui est questionnable. Et pas qu’économiquement : on parle beaucoup d’écologie en ce moment et de la façon dont il faudrait qu’on sorte de cette économie ultra-productiviste qui détruit la planète, pour éviter une nouvelle pandémie. Les questions sont passionnantes et on n’a pas les outils habituels pour les traiter parce qu’on ne peut pas se rendre sur place, mais il y a d’autres façons de les aborder.

Le chanteur Canado-Américain Rufus Wainwright disait à ce micro que la gestion de la crise par Donald Trump était une tragédie pour les Américains, est-ce que ça peut lui coûter les élections américaines ?

L’élection américaine se joue au tout dernier moment ; la meilleure preuve, c’est 2016, où on pensait tous qu’Hilary Clinton allait être élue. En tous cas, sur la gestion de la crise, je pense que la façon dont Trump gère ça est catastrophique. Il prend des décisions qui enferment encore un peu plus son pays, un pays dont on a toujours eu besoin, surtout en temps de crise, un pays qui d’habitude joue le jeu de la collaboration internationale. Là, on vient d’apprendre qu’il va couper les financements américains à l’OMS. Donald Trump passe son temps à dédire ses propres experts de santé. Les conférences de presse auxquelles on assiste sont un peu dingues, avec des experts santé qui justement sont sur le pupitre, certains se mettent le front à l’intérieur de la paume, donc oui, cette crise révèle un manque de leadership inquiétant.

Avez-vous des nouvelles des Etat-Unis si durement frappés et pourquoi les Noirs en majorité ?

Oui, c’est le système américain qui est au cœur de tout ça : c’est un système dans lequel on vous dit : "Tu n’as besoin de personne pour réussir si tu t’en donnes les moyens". Or le problème de ce système-là, c’est que quand on ne gagne pas à chaque fois, on se retrouve avec rien. Il n’y a pas une couverture santé comme on peut l’avoir chez nous et donc le problème de ce système là, c’est que les personnes qui sont le plus marginalisées, celles qui sont déjà dans une situation précaire, se retrouvent impactées beaucoup durement que dans des régimes ou des systèmes où on a des aides sociales pour pallier ce genre de problèmes.

Comment imaginez-vous le monde d’après ?

Je pense que le monde d’après, on va le découvrir ensemble et je pense qu’il est en train de se faire maintenant. On sait en tous cas les questions qui vont se poser. Maintenant, la façon dont on va y répondre, on verra bien. Je ne suis ni pessimiste ni optimiste, mais c’est maintenant que la bataille se joue pour éviter que le monde d’après ressemble à quelque chose qui ne nous satisferait pas.

Votre premier geste à la fin du confinement ?

 C’est très simple : une bière en terrasse, ce sera fabuleux !

Merci Martin Weill et on peut revoir "Martin Weill chez les Trumpistes" sur TMC.fr en replay et vous travaillez actuellement sur la prochaine série de documentaires, malgré ce confinement, qui sera diffusée dans votre émission homonyme sur TMC.

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