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Le monde d'Elodie. Bernard Pivot : "Avec la lecture on peut aller en Australie ou au IIIe siècle avant JC, c'est l'évasion !"

Avec le confinement, Bernard Pivot découvre "les plaisirs de la lenteur" et il nous distille quelques conseils de lecture.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Bernard Pivot, le 11 juin 2019, en Espagne. Avec le confinement, il apprend "les plaisirs de la lenteur". (OSCAR GONZALEZ / NURPHOTO / AFP)

Elodie Suigo : Troisième semaine de confinement, comment la vivez-vous ?  

Bernard Pivot : Ce que je découvre, grâce à ce confinement, c’est les plaisirs de la lenteur. En effet, je n’ai d’autre rendez-vous qu’avec moi-même, alors je peux être en retard, je n’ai pas besoin de me presser ! Donc je découvre les plaisirs d’être lent à se réveiller, à petit-déjeuner, à faire sa toilette, à être lent à réfléchir, accorder beaucoup de temps aux conversations téléphoniques, et même, je vais vous en faire l’aveu, il me semble que je lis un peu moins vite qu’avant la pandémie ! Et je me dis, mais pourquoi te presser à lire, vas-y, prends ton temps !  

Est-ce que cette pandémie change les êtres et vous change vous ?  

Oui, un peu. J’ai l’impression que je suis moins stressé. Je suis stressé par la peur, par l’épouvante ; le corona virus peut me tomber dessus et à mon âge, ça va être grave-grave ! Mais je sens très bien qu’il y a des modifications psychologiques dans mon maintien, dans mon attitude. Par exemple, plus de temps accordé à la réflexion, à philosopher, comme ça, dans son fauteuil, à penser à ceci, à cela… On n’a pas le temps d’habitude de faire tout ça. Par exemple, de réfléchir à l’espace-temps. Je me dis "Tiens, aujourd’hui, nous n’avons plus d’espace et nous avons beaucoup de temps". Une heure ne vaut rien aujourd’hui ! Alors que le mètre carré ou alors un hectare, ça vaut encore plus cher qu’avant la pandémie. Marcher, c’est un luxe ! Une chose extraordinaire, c’est qu’on prend du temps pour réfléchir et ce temps-là, qui ne coûte rien, nous est bénéfique. Que lisez-vous en ce moment ? Je lis toujours des livres pour ma chronique du Journal du Dimanche, je travaille toujours, ça c’est un plaisir que j’ai gardé en dépit du confinement. Et puis je relis Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier, qui est l’histoire à la française de Robinson Crusoé . Et puis, un ami m’a rappelé l’existence d’un livre que j’avais un peu oublié, qui raconte l’histoire d’un confinement de militaires dans un fort, c’est Le désert des tartares de Buzzati. Et donc je vais voir dans ma bibliothèque si je l’ai, je pense que oui, et je vais le relire.

La littérature comme moyen de s’évader ?  

Ça c’est extraordinaire ! L’avantage de la lecture c’est qu’il n’y a pas de frontières. On va on vient, on peut aller en Australie, on peut aller au IIIe siècle avant Jésus-Christ, on peut faire ce que l’on veut, grâce à la littérature, c’est un avantage extraordinaire de pouvoir prendre un livre de sa bibliothèque et dire je vais y consacrer trois-quatre heures. C’est une évasion étonnante que malheureusement, certains ne connaissent pas et c’est bien dommage !  

Quelques petits conseils de lecture ?

Alors si vous ne craignez pas, relisez, évidemment, Le hussard sur le toit de Jean Giono, qui raconte l’histoire d’un fléau terrible. Relisez aussi Les animaux malades de la peste, de La Fontaine. Relisez toutes Les fables de La Fontaine : toute l’histoire du monde, toute notre morale se trouvent dans les fables de La Fontaine. Je parle de La Fontaine et je revois notamment Luchini se replonger dans ces fables et revivre le plaisir que j’ai eu à entendre Luchini les réciter, c’est un souvenir formidable ! Et là encore, convoquer ses souvenirs en période de confinement, c’e’st un grand plaisir.   Fabrice Luchini utilise les réseaux sociaux pour dire ces fables…

Les réseaux sociaux se bonifient-ils ?  

Il y a quand même beaucoup de choses un peu bizarres sur les réseaux sociaux. On donne des explications extravagantes de ce qui nous arrive. Mais effectivement, peut-être qu’il y a moins de haine, moins de ressentiment, moins de jalousie, que les propos sont moins injurieux qu’ils ne l’ont été durant un certain temps. Vous savez, les gens, en période difficile – je me souviens de la guerre- les gens se rassemblaient et il y avait des ennemis qui se réconciliaient, des amis qui l’étaient davantage, avec la peur du lendemain. Et donc je pense que là aussi, tant mieux si ça passe aussi sur les réseaux, si les gens manifestent un peu plus d’amitié pour leurs contemporains.  

Comment imaginez-vous l’après-confinement ?  

Je ne l’imagine pas parce que je ne sais pas du tout ce qui va se passer. Mon imagination bute là-dessus. Et quand je vous dis que je passe du temps à réfléchir, je ne réfléchis pas du tout à l’après. Non pas que ça ne m’intéresse pas, mais je réfléchis plus au temps que nous vivons actuellement, au présent plutôt qu’à l’avenir. 

Un message d’espoir à faire passer aux auditeurs de franceinfo ?

Mon message c’est "Mon prince, fais gaffe ! Mon ange, fais gaffe ! Mon amour, fais gaffe ! Restons chez nous !"      

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