Le monde d'Elodie. Benjamin Millepied : "Dans 15 jours, tous les danseurs seront au chômage aux Etats-Unis"
Le danseur et chrorégraphe lance une plateforme de danse en ligne, Los Angeles Dance Project, pour continuer à vivre et danser pendant le Covid-19
Elodie Suigo : Benjamin Millepied, vous êtes danseur et chorégraphe français, nommé danseur étoile du New York City Ballet en 2001, vous avez été le directeur de la danse à l’Opéra de Paris de 2014 à 2016. Vous avez décidé de revenir en France avec une création et non des moindres, vous avez décidé de revisiter Roméo et Juliette de Prokofiev à la Seine Musicale, à Paris. Avec le COVID-19, il n’y a plus de spectacles en France et dans le monde... Alors, depuis le 11 mai dernier, vous avez décidé de réagir en proposant une application L.A. Dance Project, du nom de votre compagnie à Los Angeles. En quoi consiste cette plate-forme de danse ?
Benjamin Millepied : C’est intéressant d’inviter des artistes autour d’un projet digital et de créer ensemble. L’idée est d’atteindre un public international. C’est quelque chose qu’on faisait déjà un peu avec des spectacles en direct. Mais l’idée c’est d’avoir cette plate-forme qui aujourd’hui nous permet, non seulement de présenter des œuvres, de donner des cours, - je vais faire un certain nombre d’interviews sur la plate-forme avec des artistes-, d’offrir tout ce qui semble important sur la danse. Et aussi, de créer une nouvelles sources de revenus, parce qu’on ne sait pas quand est-ce qu’on va pouvoir à nouveau remplir des salles… Pour beaucoup de compagnies, c’est "Ou bien on met la clé sous la porte, on attend que ça passe et on met les danseurs au chômage, ou bien"… Rapidement, je me suis dit "Il faut que je me mette au travail". Aujourd’hui, on a déjà des membres dans le monde entier. Il y a trois cours par jour et puis un nombre de contenus intéressants autour de l’histoire de la danse, autour du mouvement au cinéma, autour de la musique et bientôt on va pouvoir commencer à présenter des premières sur cette plate-forme…
On vous sent très touché par ce mouvement, par cette envie de faire avancer les choses…
Quand on est responsable, quand on a des employés, qu’on a travaillé pour construire une compagnie, notamment à Los Angeles aux États-Unis où, avec le Covid, on a reçu une aide du gouvernement -c’est d'ailleurs la première fois en 15 ans que je reçois une aide du gouvernement américain pour un projet artistique-…On vit avec les dons des mécènes, avec les tournées, avec quelques sponsors… On est face peut-être un monde qui est en train de changer. Il va falloir que le nombre de places soit restreint dans les salles. Il faut absolument se mettre à trouver des solutions. On est en train de préparer un grand stage d’été d’un mois, qui va offrir à tous les jeunes danseurs quelque chose de vraiment intéressant, si jamais ils ne peuvent pas aller en stage d’été comme ils l’avaient prévu. On va avoir beaucoup de danseurs qui seront chez eux et l’idée, c’est de continuer à les éduquer et à partager notre savoir.
Vous appréhendez ? Parce que vous avez dansé sur les plus grandes scènes du monde et ça n’est pas terminé… Le fait de ne pas avoir de public, le fait de ne pas pouvoir corriger une posture…
À Paris, on est dans un cas différent parce qu’il y a un public pour l’art qui est gigantesque. Mais dans beaucoup de salles du monde, on était déjà depuis des années dans une période difficile où on avait du mal à remplir les salles. Une fois que cette crise sera vraiment terminée, et que les gens n’auront pas peur de retourner dans les salles, on va avoir un essor, une envie, un engouement très fort, un besoin d’expériences communes. Ce sera formidable ! De toute façon, on avait tous besoin de se retrouver. Après, il ne faut pas s’imaginer qu’on va très rapidement se retrouver tous ensemble. On a annulé toutes nos tournées jusqu’au mois de janvier et on espère bien entendu être présents à la Seine Musicale au mois de janvier avec Roméo et Juliette. Mais on ne sait jamais. Le vaccin, ce n’est pas pour tout de suite, il vaut mieux être prévoyant. Moi j’ai la chance d’avoir une compagnie de seulement 12 danseurs. On est une vingtaine au total à travailler au L.A. Dance Project, donc c’est gérable. Après, les compagnies qui ont 50,60, 80,100 danseurs et qui ne sont pas en France, financées par le gouvernement, ça va être extrêmement compliqué. Aux États-Unis, d’ici 15 jours, tous les danseurs aux États-Unis seront mis au chômage.
L’application c’est L.A. Dance Project ....
Oui c’est ça. Vous recevez un emploi du temps de la semaine où il y a tous les cours, tous les "Guests" (les invités), tous les intervenants. Je suis en train de travailler sur un solo pour le présenter sur cette plate-forme et tout ça pour 10 $ par mois.
De votre enfance africaine aux collines de Los Angeles vous êtes fier du chemin accompli ?
Je suis fier de toutes les rencontres dans ce métier, que ce soit pendant ma carrière au New York City Ballet que j’ai vraiment adoré, cette opportunité à l’Opéra de Paris, tous les artistes que j’ai rencontrés, cette compagnie que j’ai fondée… Il n’y avait pas eu de compagnie créée depuis les années 50 aux États-Unis…
Vos bonnes résolutions dans le monde d’après ?
Ce moment de break m’a fait du bien, ce moment pour profiter du calme, pour revenir plus fort…
L’application s’appelle L.A. Dance Project, elle est donc disponible, c’est 10,49 euros par mois. Il y a des cours de classique, de contemporain, de fitness, de hip-hop, de la physiothérapie, des conseils de nutrition... Et puis les nouvelles dates pour Roméo et Juliette à la Seine Musicale, c’est du 21 au 31 janvier 2021, donc sept représentations exceptionnelles à la Seine Musicale à Paris. Merci beaucoup Benjamin Millepied.
Merci à vous !
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