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"Josep", réalisé par Aurel : devoir de mémoire et hommage au dessin

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, le dessinateur de presse et de bande dessinée Aurel. Il vient de produire et réaliser son premier long métrage : "Josep" qui sort en salles mercredi 30 septembre.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Capture d'écran, extrait de la bande-annonce du film "Josep" (UMG (au nom de Universal Music Spain S.L.) et 1)

Soulagé et serein. Le dessinateur Aurel heureux de voir son travail enfin abouti et une sélection au Festival de Cannes laisse présager un bel avenir pour son bébé : "À partir de là, tout le reste c’est du plaisir et je prends tout ce qu’il y a à prendre".

Le film raconte l’histoire vraie de Josep Bartoli, dessinateur, né en 1910 à Barcelone et mort à New York en 1995 : "Il a traversé le vingtième siècle, en étant antifranquiste, en fuyant l’Espagne en 1939 avec 500 000 autres exilés, pour se retrouver enfermés dans des camps de concentration dans le sud de la France autour de Perpignan". Cette histoire est méconnue car elle se passe en février 1939 : "C’est quelques mois avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Et c’est une histoire un peu honteuse sans doute pour l’État français, donc un peu gommée alors qu’il y a quand même énormément de gens aujourd’hui héritiers de cette histoire-là".

Travail de mémoire

Cet exode des républicains espagnols en France que l’on appelle aussi "La retirada" a été un calvaire pour les réfugiés : "Parqués, il n’y a pas d’autre mot, au mois de février, en plein vent, entre la mer et des étangs. Sur du sable, sans eau, sans nourriture, sans baraquement", aussi très souvent malmenés par les forces de l’ordre. Avec ses croquis, ses esquisses, Aurel fait un travail de mémoire par le prisme d’un vieux gendarme contant cette période à son petit-fils. Il nous livre un bout de cette histoire trop longtemps occultée mais aussi la rencontre puis l’amitié improbable entre un jeune flic et un dessinateur apatride.

C’est 'un film dessiné'. Il y a quand même de l’animation dans ce film mais j’ai voulu mettre à l’honneur ce qui est mon outil principal qu’est le dessin et qui était aussi celui de Josep, le héros du film.

Aurel

à franceinfo

Aurel aurait dû devenir biochimiste mais c’était sans compter sur un virage à 180° pris à la vingtaine : "Oui, j’ai abandonné mes études scientifiques pour faire du dessin, je l’avoue" et il explique, toujours avec le sourire, que très jeune, le dessin l’accompagne comme un besoin et qu’entre ses études et sa passion, son cœur balance : "Si je ne prenais pas la décision radicale de me lancer à ce moment-là dans le dessin, ce n’est pas une fois que j’aurais des diplômes, que je serais installé, que je pourrais tenter cette aventure un peu risquée, il faut se l’avouer ". Ce changement de direction n’emballe pas vraiment ses parents : "Ils n'ont pas été mes principaux et premiers supporters mais cela étant, ils m’ont laissé faire !"

Tignous, "mon papa en dessin" 

À la fin de Josep, Aurel rend aussi hommage à Tignous : "Tout le monde le connaît ou presque. Formidable dessinateur, grand bonhomme qui était un peu le papa de tous les jeunes dessinateurs qui commençaient. Moi c’est comme ça que je l’appelais : mon papa en dessin. Et il était à l’écoute, il nous accompagnait, il nous présentait des gens".

Voilà, il [Tignous] est tombé sous les balles, assassiné il y a 5 ans. C’était pour moi la moindre des choses qu’en faisant ce film rendant hommage au dessin, je le lui dédie parce que pour moi il est intrinsèquement lié à ma vie de dessinateur.

Aurel

à franceinfo

 Le dessin de presse est très souvent attaqué ces dernières années. Cela suscite à chaque fois une grande et large émotion collective, en particulier après les attentats de Charlie Hebdo. Pour autant, ce n'est pas pour la liberté d'expression qu'Aurel craint le plus mais plutôt pour la place de ce dessin qui se réduit à peau de chagrin dans le paysage médiatique : " La plupart du temps un dessinateur se lève le matin, pas forcément en se disant : 'Qu’est-ce que j’ai le droit de dessiner ?' Mais: 'Où est-ce que je vais pouvoir faire passer mes dessins ?'"

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