Jean Reno raconte ses rôles dans des comédies : "Le mensonge doit être authentique"

Le comédien, Jean Reno, est l’invité exceptionnel du Monde d'Élodie Suigo du 12 au 16 février 2024. Il remonte le fil de sa carrière autour de cinq de ses films les plus emblématiques. Mercredi 14, il est à l’affiche du film de Claude Zidi Jr "Maison de retraite 2" aux côtés de Kev Adams et Daniel Prévost.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 14 min
Jean Reno et Christian Clavier sur le tournage du film Les Visiteurs de Jean-Marie Poiré en 1993. (JEROME PREBOIS / SYGMA)

Jean Reno a accepté de passer toute cette semaine dans le Monde d'Élodie sur franceinfo. L'occasion de faire un point sur ce parcours aux multiples collaborations avec les plus grands acteurs et réalisateurs. Devenu un acteur incontournable, le franco catalan né à Casablanca est l'un des rares à avoir réussi à développer une carrière qui a dépassé les frontières. Sa rencontre avec les Français a été marquée évidemment par le rôle d'Enzo Molinari dans Le Grand Bleu (1988) de Luc Besson. Dans ce parcours qui force le respect, il a su toucher à tous les registres, les comédies, les thrillers ou encore les drames : Nikita (1990) et Léon (1994) de Luc Besson, Les Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz en 2000, L'opération Corned-Beef de Jean-Marie-Poiré (1991), Godzilla de Roland Emmerich (1998), La Panthère rose de Shawn Levy (2006) ou encore La Rafle de Roselyne Bosch (2010). Avec sa personnalité, il est devenu le protecteur, l'oncle de la famille, celui qui est à la fois drôle et autoritaire. Le père aussi, l'homme de confiance, celui à qui on confie des choses et celui derrière lequel on se range pour obtenir des conseils.

Il est à l'affiche, mercredi 14 avril, du film avec Kev Adams et Daniel Prévost : Maison de retraite 2 de Claude Zidi Jr.

franceinfo : Malgré votre notoriété et le fait que vous vous êtes imposé avec des rôles extrêmement graves, vous n'avez jamais refusé de jouer dans des comédies. Est-ce que c'est important justement de vous challenger ?

Jean Reno : Bien sûr. Quand je suis allé chez Simon, j'ai vu une assistante et j'ai passé "Ce bras qui tant de fois a sauvé Rome, etc." Et elle a dit : "Tiens, voilà encore un comique". Et j'ai été étonné, pourquoi dit-elle ça ? Moi, je suis en train de faire quelque chose de grave. Et je me suis rendu compte que j'avais en moi cette chose-là. J'ai adoré les films de de Funès, évidemment, mais je me suis rendu compte que le comique par lui-même avait un rythme différent.

"Le comique twiste la réalité en lui proposant une réalité de scénario. On va dire le texte, mais on ne pourra pas le dire comme c'est écrit, on va l'amener à son monde tordu parce qu'il a un rythme différent."

Jean Reno

à franceinfo

Finalement, vous faites ce métier parce que vous allez chercher une forme d'honnêteté, le besoin d'assumer, de dire vrai, de parler vrai. Et on a le sentiment qu'effectivement les comédies vous ont aidé au fil du temps à rester dans le vrai.

Beaucoup. Fabrice Luchini m'a dit à la sortie des Visiteurs lorsqu'on s'est croisés : "Tu arrives à être extrêmement honnête".

Vous êtes honnête ?

Ah oui, si je ne le ressens pas, je ne le dis pas. Le mensonge doit être authentique. Vrai. Sinon, non ! Jean Yanne, qui a remporté un prix d'interprétation à Cannes et qui a dit : "J'avais le texte sur mes genoux et lorsque je baisse mes yeux, j'ai l'air triste et c'est pour ça qu'on m'a donné le prix". C'était une boutade, mais il y a un peu de ça chez certains acteurs. Et je ne veux pas, je ne fais pas.

Vous avez un côté Orson Welles. C'est-à-dire que quand il arrivait sur un tournage, le metteur en scène lui disait : "Bonjour Orson Welles", il répondait : "Non, je ne suis pas Orson Welles". Et il donnait le nom du personnage qu'il incarnait dans le film ou dans la série. Vous vous retrouvez là-dedans aussi ?

Oui, tout à fait. C'est chimique et je me souviens qu'avec Gary Oldman, il m'a appelé plusieurs fois pour qu'on aille dîner et j'ai tout le temps refusé. On l'a fait le 4 juillet, après la mort de Léon. Quand Léon a explosé avec la grenade, le dimanche d'après, on est parti manger ensemble parce que Léon était mort et je ne voulais en aucun cas me trouver en face de Gary Oldman pendant le travail.

Après la sortie du Grand Bleu, il va y avoir L'opération Corned-Beef , un film réalisé par Jean-Marie Poiré dans lequel vous vous incarnez Le Squale. Vous êtes un agent des services secrets. Et il y a cette rencontre avec Christian Clavier. Ça matche tout de suite ?

Tout de suite. On va le voir à la sortie du théâtre au Palais-Royal et il traverse la rue. Moi, je suis sur le trottoir, j'ai 20 centimètres de plus que lui. Il est entre deux voitures et c'est parti tout de suite. Je crois que j'ai reçu le scénario très vite et ça a marché.

Ce duo avec Christian Clavier va durer et en 1993, il a ce film Les Visiteurs qui sera un immense succès commercial. Ce qui est incroyable, c'est qu'en aucun cas vous ne perdez en crédibilité, c'est-à-dire que vous devenez Godefroy de Montmirail et à aucun moment, on se dit : "Mais qu'est-ce qu'il est parti faire dans 'Les Visiteurs' ?" Vous avez eu peur de ça ou pas ?

Non. Coiffer avec une queue de poireau sur la tête ! Mais encore une fois, la solitude. Et c'est un drame pour lui. Il ne voit absolument pas les choses comme Christian. C'est ça qui est formidable, c'est que ce sont deux univers totalement différents. Lui, il veut se marier et on l'envoie se promener dans le temps, ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible pour lui, c'est terrible, terrible, terrible.

Et en même temps, malgré cette solitude, vous incarnez aussi cet acteur à qui on donnerait notre confiance absolue, c'est-à-dire qui rassure, vous avez ce côté rassurant.

Paternel.

C'est là où on se dit : "Mais à quel moment est-il Jean Reno et à quel moment est-il Godefroy de Montmirail ?"

Et j'essaye de ne pas le dire. Évidemment, à cette époque-là. Aujourd'hui je parle, mais je crois que je n'aurais pas fait cette émission à cette époque-là, pour me raconter parce que je n'en avais pas envie. Un scénario est un mensonge, mais pour vous, c'est une vérité.

Le film, Maison de retraite 2, sort mercredi. C'est drôle parce que c'est le seul moment où vous acceptez d'aller en maison de retraite ! Est-ce que ça signifie que l'âge se trouve d'abord dans la tête.

Et aussi dans l'activité. Il y a beaucoup de choses que je n'ai pas visitées encore. Il y a beaucoup de rôles qu'on ne m'a pas donnés. C'est pour ça que le mot retraite est mot un peu difficile pour moi. Je ne sais pas. En plus, j'ai remarqué que j'adorais raconter des histoires. Et ça, c'est mon père. Par exemple, avec les enfants, on lit La Fontaine. Je lis la fable. Mais on peut aussi lire la fable sans dire tous les mots, on peut raconter avec ses mots à soi. On lit : Le loup et le chien, dis-moi comment toi, tu l'as compris. Et voilà. Le côté paternel, ça marche ainsi.

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