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"Je suinte à toutes les lignes de cet ouvrage" : la comédienne Anne Parillaud signe son premier roman

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l’actrice et écrivaine Anne Parillaud.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Anne Parillaud en septembre 2016.  (?FRANCK CASTEL/WOSTOK PRESS / MAXPPP)

Anne Parillaud, actrice, césarisée en 1991 dans la catégorie Meilleure actrice pour son rôle culte dans le film Nikita de Luc Besson est également écrivaine et vient de publier son premier roman Les Abusés aux éditions Robert Laffont.

franceinfo : Même si ce n'est pas une autobiographie, vous y avez mis beaucoup de vous. Pourquoi vous tourner vers l'écriture ?

Anne Parillaud : J'aimerais beaucoup réaliser mon premier film et incarner un personnage puissant, fort, qui essaie de faire passer des messages. Et c'est vrai qu'on n'a pas toujours l'occasion d'avoir des rôles comme j'y ai été habituée. En démarrant plus ou moins avec des rôles comme Nikita, on est à la recherche de cette force et de cette viscéralité des personnages. Ce n'est pas forcément ce qui existe dans le panorama français et j'avais envie de m'auto-diriger dans un rôle qui m'habiterait, m'épanouirait.

Ce rôle que vous avez interprété dans Nikita a marqué les Français. Il est ancré dans votre carrière, dans votre parcours.

Oui, parce que de la même façon qu'il est emblématique pour tous, il l'a été énormément pour moi. C'est comme une sœur jumelle, Nikita. J'ai effectivement beaucoup de mal à me dissocier de là où je m'engage que ce soit à travers des personnages ou à travers l'héroïne de mon livre. Nikita, c'était la première fois qu'on m'offrait un vrai rôle, un rôle où on me demandait d'avoir une palette d'actrice et de la démontrer et de l'exprimer. C'était vraiment la première fois que je m'abandonnais à un personnage.

Ce rôle ne vous a-t-il pas un peu abîmée pour la suite de votre carrière, dans le sens où il était tellement intense que ça a dû être extrêmement difficile d'aller chercher cette même adrénaline ?

Oui, ce sont des cadeaux empoisonnés. Quand on démarre avec une pointe très élevée, après il ne peut y avoir que des descentes ou des choses moins fortes. En plus, les gens tombent en amour devant ces personnages dans lesquels ils se projettent et ils ne veulent pas que vous en sortiez, que vous les abandonniez.

Mettre la barre haut, c'est ce que vous faites à travers ce premier roman. C'est l'histoire d'une passion dévorante entre Adélie, une actrice connue, victime d'inceste enfant, et de Samuel, un peintre riche et célèbre, marqué par l'abandon de son père. On est en pleine période #MeToo depuis l'affaire Weinstein, mais vous, vous avez décidé de mettre l'accent plutôt sur les bourreaux que les victimes.

J'avais envie effectivement de contourner la plainte ou l'évidence tout en respectant évidemment les victimes dont je fais partie. C'est absolument salutaire qu'il y ait : témoignages, condamnations et une justice. Et ce n'est pas en s'arrêtant à la condamnation, sans aller chercher l'origine du mal, qu'on parviendra à l'endiguer.

J'avais besoin de démontrer qu'on ne naît pas mauvais, on le devient

Anne Parillaud

à franceinfo

A partir de là, comment injecte-t-on le mal dans un individu dès son plus jeune âge et comment cela le détériore et dévie son équilibre à vie ? C'est ce regard-là que j'avais envie de poser sur eux pour y avoir été confrontée et essayer de ne pas m'arrêter simplement à la douleur que je pouvais ressentir, j'ai voulu analyser ce qu'il y avait à l'intérieur du cerveau pour agir de cette façon.

Vous le dites, ce n'est pas une autobiographie, mais en même temps c'est une énorme partie de vous.

Évidemment que je suinte à toutes les lignes de cet ouvrage, mais c'est aussi parce que j'ai été traversée et qu'en tant que victime, je me suis sentie légitime de pouvoir aborder ce sujet. En fait, on s'aperçoit vite que lorsqu'on écrit, les choses s'écrivent et apparaissent sur la page devant vous, vous êtes otage presque de votre écriture. J'ai découvert vraisemblablement des choses sur moi-même à travers cette écriture.

J'ai utilisé le déni comme armure, comme cuirasse, comme protection pour ne pas regarder en face quelque chose qui était irregardable

Anne Parillaud

à franceinfo

Il y a une phrase terrible qui ouvre le livre: "Comme s'ils ne devaient pas lire ce livre, mon père fermait ses yeux quand je le commençais, ma mère fermait les siens quand je le terminais". Vous en voulez à votre bourreau ?

Non, c'est un peu mon problème puisque a priori c'était vraisemblablement mon père. J'aimais mon père. Dans mon souvenir ou dans ce que je me suis imposée comme souvenir, j'avais une relation magnifique avec mon père donc pour moi, cette complicité n'était pas envisageable avec un geste interdit. Je n'ai pas pu lui en vouloir et comme je n'ai pas pu, ça m'a déséquilibrée parce que que si "bourreaux" il y a eu par la suite, je ne les ai pas repérés et je n'ai pas réalisé qu'ils me faisaient du mal. Je n'ai pas voulu les juger parce que justement, je ne pouvais pas juger celui qui était originel.

Etes-vous heureuse de votre parcours, depuis le moment où vous avez été repérée par Jacques Weber ?

Je le trouve riche, intéressant et il m'amène petit à petit à ce que je suis réellement, à assumer de plus en plus ce que je suis, à acquérir une liberté et une acceptation de soi. C'est peut-être ça l'itinéraire qui m'intéresse, c'est au fur à mesure de s'accepter pour s'aimer un peu plus, mais ça passe par l'acceptation et l'autorisation qu'on s'offre, et de se dire : "Je suis ce que je suis et il va falloir que je l'aime parce que je vis avec".

La suite, c'est la réalisation de ce livre ?

Ah ça, j'aimerais beaucoup ! Absolument.

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