"J’ai laissé sortir mon côté Offenbach" : Serge Lama revient sur la genèse de son tube "Femme, femme, femme"
Le chanteur et parolier, Serge Lama est l'invité exceptionnel du Monde d’Élodie toute cette semaine. Artisan de la chanson française depuis presque 60 ans, il a toujours su prendre des risques et fonctionné avec son instinct. On remonte le fil de sa carrière autour de cinq de ses chansons devenues cultes.
Depuis 1964, il a sorti pas moins de 24 albums studio et neuf albums live, composés de titres incontournables, la plupart devenus des classiques de la chanson française, comme Les Ballons rouges (1969), D'aventures en aventures (1968), Je suis malade (1973), Femme, femme, femme (1978) ou encore Les P'tites femmes de Pigalle (1973). Impossible de ne pas citer son aventure napoléonienne au théâtre Marigny dans les années 80 avec Napoléon, une comédie musicale qu’il a créé, pour laquelle il s’est battu et qui a autant comblé le public que lui-même en tant qu'artiste. Serge Lama a été également acteur au théâtre, au cinéma et à la télévision.
Le 7 octobre 2022 est sorti son ultime album, Aimer, soit 13 nouvelles chansons pour dire adieu à son public.
>> Serge Lama se confie sur son ultime album "Aimer" : "J'y ai mis tout mon coeur"
franceinfo : Sur la pochette de votre dernier album, Aimer, se trouve votre portrait dessiné au crayon noir sur fond rouge. Il fait écho indiscutablement à celle de votre 45 tours sorti il y a 45 ans, Je suis malade. Le succès de ce titre phare, qui fait partie du répertoire commun de la chanson française, vous a ouvert les portes de l'Olympia et aujourd'hui, vous bouclez votre carrière avec ce clin d'oeil. Ça veut dire que la boucle est bouclée ?
Serge Lama : Elle est bouclée en tout cas, pour ce qui est des disques. Je ne vais pas faire un nouveau disque. Je ne vais pas faire une nouvelle scène. En revanche, je peux écrire des chansons.
Il y a un autre titre qui fait partie de cet album qui va connaître un succès phénoménal. C'est Les p'tites femmes de Pigalle.
Vous savez, on dit que c'est l'album de Je suis malade, mais le premier succès, ça a été Les p'tites femmes de Pigalle à cause de Guy Lux ! Guy Lux ne voulait pas de Je suis malade. Alors il me l'a fait chanter, mais il fallait que je chante Les p'tites femmes de Pigalle et je l'ai donc chantée. Et le lendemain, Boum boum, boum ! Les ventes, c'était de la folie. On ne peut pas imaginer comment les ventes étaient à cette époque-là !
Il y a un côté très cinématographique dans cette écriture. On a l'impression d'y être, on a l'impression de vivre un décor. Chacun devient finalement acteur plutôt que spectateur de la chanson et imagine des personnages.
C'est ce que l'interprète que je fus, essayait de faire passer. Effectivement, l'interprète essayait de faire sentir l'auteur : "Regardez, j'ai écrit ça. Regardez ce que je dis là". C'est tout un travail quand on est à la fois auteur et interprète, parce que l'interprète a un rôle très, très important dans le succès d'une chanson. L'exemple type, c'est Montand qui a chanté Les Feuilles mortes pendant quatre ou cinq ans et qui a réussi à en faire un tube international alors que cette chanson ne marchait pas du tout. Donc là, c'est l'interprète qui a prouvé que c'est lui qui portait la chanson.
Cette voix, que vous avez, est indissociable de votre succès. Quelle place occupe-t-elle dans votre vie ?
"Ma voix me rappelle tous les jours que je suis le fils de mon papa parce que bon sang ne saurait mentir et ma voix est l'héritage qu'il m'a laissé."
Serge Lamaà franceinfo
On a fait un disque ensemble, Lama père et fils (1981), et c'était rigolo pour les gens de voir à quel point on était très, très, très proches. Je lui dois ça.
Ce micro, justement, ça va être le lien et le liant avec le public. Vous allez faire énormément de scène. Le plus que vous ayez fait, c'est 307 concerts en 1976, mais la moyenne, c'est 250 concerts par an. Ça veut dire que vous passez plus de la moitié de l'année sur scène ce qui nécessitait des conditions physiques exceptionnelles alors que vous aviez des difficultés.
Tout à fait.
Ça veut dire que la scène a toujours été votre moteur, l'essentiel ?
Oui, c'était l'essentiel, mais ça m'a coupé des autres. Si vous voulez, le fait que je n'étais jamais à Paris, que je n'étais jamais là, eh bien, je n'ai pas pu nouer des liens avec des gens qui étaient dits "importants". Et c'est peut-être la raison pour laquelle parfois, j'ai eu des problèmes. Et puis vous savez, quelqu'un qui fait beaucoup, au bout d'un moment, on dit : "Oh, il en fait trop", c'est comme ça, c'est dans la nature des choses. Alors effectivement, j'ai beaucoup, beaucoup tourné.
En 1978 sort votre double album studio, Enfadolescence. Quand on parle de cet album, il est indissociable de Femme, femme, femme. J'aimerais que vous me racontiez l'histoire de cette chanson.
C'est rigolo parce qu'on avait fait une chanson qui ne nous plaisait pas avec Alice Dona, mais il y avait un couplet qu'on trouvait pas mal. Et un jour, on écrit une autre chanson. Et là, c'est le contraire, c'est le refrain qui ne nous plaît pas trop. Et tout d'un coup, je dis à Alice : mais dis donc, si on liait les deux chansons puisqu'elles sont dans le même style ? et c'est comme ça que j'ai écrit de Femme, femme, femme parce que tout d'un coup, c'est devenu complètement cohérent. Et là, j’ai laissé sortir mon côté Offenbach. J'ai aussi été éduqué à Offenbach par Marcel Gobineau qui était mon ami, mon maître et qui me faisait écouter du Offenbach. Il aimait la musique joyeuse.
Enfant, vous racontez d'ailleurs que c'était très important pour vous d'observer les femmes de votre vie. Ça veut dire qu'elles vous ont inspiré ?
"C'est évident qu'il y a des chansons qui sont dédiées à des femmes sans qu'elles le sachent forcément."
Serge Lamaà franceinfo
Oui. À force de voir quelqu'un qui fait certaines choses, on écrit des choses qui réfléchissent cette lumière-là parce que les femmes sont toujours des lumières, vous le savez bien !
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